Colère - L'interdiction de l'importation des vêtements de friperie est un énième coup porté aux citoyens à faibles revenus. Leur misère est appelée à s'accentuer. «Y a-t-il de bonnes vestes ? des tricots en coton ? Quelque chose pour l'hiver ?», demande un homme âgé d'environ une soixantaine d'années au vendeur dans un magasin de friperie sis à la rue Hassiba-Ben-Bouali à Alger. «Cherchez bien, vous allez peut-être tomber sur quelque chose qui vous plaira. Fouillez bien avant qu'il ne soit trop tard et que d'autres clients raflent tout», répond, gentiment, le vendeur, expliquant au client qu'il sera contraint de baisser rideau dans quelques jours. «Ehhh ! qui se souciera de nous, les pauvres ? Ceux qui ont décidé d'interdire l'importation de ces vêtements touchent plus de 30 millions par mois et peuvent se permettre d'acheter des vêtements dans les grands magasins en Europe», se désole le client. Le temps passe et le magasin étroit est pris d'assaut par des citoyens en quête d'habits. Difficile de se frayer un chemin au milieu de tout ce monde. L'interdiction d'importation de la friperie est sur toutes les langues. Colère, indignation et inquiétude se lisent sur les visages de ces Algériens à faibles revenus et dont les vêtements usés constituent le seul recours. Ils n'arrivent pas à comprendre les motivations d'une telle décision. «C'est normal qu'un député qui touche plus de trente millions par mois rien que pour lever la main se soucie si peu du pauvre citoyen qui court du matin au soir pour un salaire de misère», s'indigne une femme âgée. «Ils veulent, soi-disant, relancer l'industrie du textile en privant les simples citoyens de vêtements. Nous devons rester nus, en attendant des habits made in Algeria», ironise un jeune étudiant venu chercher une veste. L'annonce de l'interdiction d'importation de la friperie a poussé de nombreux citoyens habitués à ce genre de vêtements à se ruer massivement sur les magasins afin d'acquérir ce dont ils ont besoin avant qu'il ne soit trop tard. Les propriétaires de ces commerces, devenus florissants ces dernières années à la faveur de la baisse du pouvoir d'achat de l'écrasante majorité des familles algériennes, affirment que leurs ventes ont sensiblement augmenté ces derniers jours. «Certains clients achètent en grandes quantités, autant des vêtements d'hiver que d'été car ils savent bien que dans quelques semaines ils ne trouveront plus ce dont ils ont besoin», affirme un vendeur à la place des Trois-Horloges à Bab El-Oued. Dans ce magasin, c'est plutôt la gent féminine qui vient en force en quête de «bonnes affaires». Des bodys, jupes, pantalons et chaussures de grandes marques sont exposés à des prix oscillant entre 300 et 1 000 dinars. «N'était ce commerce de vêtements usagés, le pauvre citoyen risquerait de porter la même tenue tous les jours jusqu'à l'usure. Malheureusement, on sera bientôt privé de ce privilège», se désole une femme accompagnée de ses deux filles. «Je suis une simple fonctionnaire à l'APC, mon mari est agent de sécurité à l'université de Bab Ezzouar. Comment voulez-vous que nous achetions des vêtements neufs, quand les charges dépassent notre budget ? Le loyer, la nourriture, le transport, la scolarisation des enfants…Si l'interdiction de ce commerce est appliquée, nous serons simplement étranglés», s'inquiète-t-elle.