Portrait n Il a fallu du temps aux habitants d'Ayoun-Essoltane pour se familiariser avec la vue d'une jeune femme d'à peine 28 ans, fermière et gérante à plein temps d'un élevage de vaches laitières. «Pour beaucoup, le spectacle de mes activités journalières semblait, au début, quelque peu incongru. Mais avec le temps, les gens ont fini par voir en moi un modèle de la femme passionnée par son travail et tenace», confie, toute fière, la jeune Lamia, licenciée en littérature arabe depuis 2012, rencontrée lors d'une visite d'inspection des autorités locales dans la commune d'Ahmed-Rachedi. «A la ferme, je me sens à l'aise et libre. J'y perpétue les activités de mes parents, de mes grands-parents et de mes arrière-grands-parents qui étaient si proches de la terre et de la nature», affirme Lamia avant d'avouer que son père, lui, la destinait à un tout autre avenir, celui d'une «tranquille enseignante en blouse». Après plusieurs mois d'exercice en tant qu'institutrice dans des écoles de la région, la fille d'Ayoun-Essoltane se tournera résolument, fin 2013, vers l'élevage de vaches laitières après avoir acquis 10 vaches dans le cadre d'un projet d'investissement appuyé par l'Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes (Ansej). Admiratif devant sa pugnacité, son père lui acheta ensuite quatre autres vaches, boostant davantage les activités de Lamia qui gère, aujourd'hui, une ferme laitière forte d'un cheptel de 24 vaches laitières. Pourtant, au départ, un sentiment de peur étreignit la jeune femme. Peur du regard d'une société rurale qui n'avait pas l'habitude de voir une femme quitter sa maison très tôt pour y revenir tard, peur aussi du contact des animaux de la ferme. Cependant, soutient-elle, «il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour surmonter mes craintes et dompter mes appréhensions qui ne sont aujourd'hui que de simples souvenirs». La journée de Lamia débute invariablement à 5h30 du matin et ne se termine que vers 20h00. Cela peut paraître long, mais le temps passe très vite avec les tâches répétées consistant à mesurer les températures des bêtes, surveiller l'état des trayons de chaque vache, préparer leur alimentation et assurer la traite, d'abord manuelle avant d'être mécanisée. Pour apprendre à traire, Lamia a dû, confie-t-elle, «encaisser» pas mal de coups de sabot dont certains ont laissé sur le corps frêle de la jeune femme des séquelles indélébiles. De plus, il n'y a pas toujours eu l'électricité dans la ferme de Lamia, qui recourait à des groupes électrogènes. L'exploitation de Lamia produit quotidiennement de 80 à 100 litres de lait qu'elle cède à des collecteurs. Elle bénéficie d'un accompagnement vétérinaire, emploie un travailleur journalier et a droit à l'assistance de son père et de ses frères. Elargir ses activités et mettre sur pied une véritable ferme laitière, plus performante, sont les objectifs de la jeune fermière qui espère bénéficier d'un terrain pour y créer une laiterie/fromagerie. Pour cette licenciée en littérature, l'agriculture est «un créneau porteur, mais pas pour les partisans du moindre effort, avides de gains rapides et faciles qui devront aller voir ailleurs». Voilà qui donne une idée du tempérament de Lamia Zebouchi. R. L. / APS