Situations n Dans ses pièces, à l'exemple de «Dahaliz» (les dédales), «Rahla»…, la comédienne met en scène la condition des femmes et transmet la douleur morale et la solitude intérieure qui rongent beaucoup d'entre elles. Tounès Aït Ali est une comédienne qui brille sur les planches à chacune de ses représentations. Son domaine de prédilection est le monodrame. Elle excelle dans les différents personnages qu'elle interprète. Et ses personnages, des femmes, ne sont pas des moindres. Ce sont des femmes représentatives. Et à travers chacun de ses personnages – toutes des femmes – Tounès Aït Ali raconte la femme algérienne et décrit sa condition dans une société qui lui refuse le droit à la parole et d'exister comme un sujet à part entière. «Je hurle les douleurs des femmes», dit-elle. Dans ses pièces, à l'exemple de «Dahaliz» (les dédales), «Rahla»…, la comédienne met en scène la condition des femmes et transmet la douleur morale et la solitude intérieure qui rongent beaucoup d'entre elles. Dans «Rahla», par exemple, Tounès Aït Ali lance «un cri strident qui renvoie à l'histoire de la blessure béante d'une femme mal-aimée, violentée, abusée et désorientée». Elle raconte une vie de souffrances commencée dans un foyer paternel froid et sans amour, où la discrimination entre filles et garçons est omniprésente et l'a toujours révoltée. Elle crie le drame intérieur du mariage forcé. Ecrit par Meriem Allègue, joué et mise en scène par Tounes Aït Ali, le monodrame donne à réfléchir sur les travers, les contradictions et les maux des sociétés. La comédienne affirme : «Je ne livre pas un combat féministe, mais plutôt humain». La pièce évoque le problème de l'émancipation de la femme, qui demeure toujours d'actualité. «Ce monodrame est le combat d'un humain, d'une femme, d'une mère», souligne la comédienne, et de renchérir : «Cette création met en scène des situations réelles. «Rahla» revient sur les problèmes de la femme dans la société actuelle, une société d'hommes. Pour Rahla, l'émancipation est nécessaire, vu qu'elle vient de rompre le lien du mariage.» Elle poursuit : «Nous ne sommes pas moralisateurs sur cette thématique. Nous sommes plutôt porteurs de messages. Aujourd'hui, avec l'expansion technologique, la femme peut refaire sa vie après un divorce, d'une manière ordinaire.» Et à chaque fois, Tounès Aït Ali, une comédienne au talent avéré et à l'expérience acquise, sait transmettre au public, à travers les monodrames qu'elle joue avec brio, la douleur des femmes algériennes qui souffrent en silence dans les dédales d'une violence injuste. D'où l'autre monodrame «Dahaliz» (les dédales) écrit par Randa Kolli. Cette pièce se livre comme un miroir de la société algérienne, une société régie par des pratiques machistes. Ce mo-nodrame raconte le quotidien lugubre de Chahrazed, une jolie femme prisonnière de son quotidien monotone et de la suprématie de la gent masculine au foyer paternel, frappée à maintes repri-ses par son père et ses deux frères. «Cette violence plonge Chahrazed dans les venelles de la folie. L'injustice est flagrante, le fardeau est trop lourd», précise Tounès Aït Ali, et selon celle-ci, «Dahaliz» se veut comme «un souffle qui décrit d'une façon claire et simple le phénomène de la violence faite à l'encontre des femmes.» Par ailleurs, Tounès Aït Ali tient à préciser que dans ses monodrames, elle n'a nullement la prétention de faire la morale ou donner des leçons, elle s'emploie seulement à dire la réalité de ces femmes violentées, marginalisées, à qui on leur refuse le droit d'exister et à la parole. En plus, la comédienne dit qu'une fois sur scène, «je me contente de faire de l'art». Y. I. Briser les tabous et les interdits l Quand on interroge Tounès Aït Ali sur le choix des situations qu'elle aborde dans les monodrames qu'elle interprète avec succès, elle répond : «Je suis très contente de parler de ces femmes, de les représenter. Il faut en parler, ce n'est pas parce que ça ne touche que certaines qu'on en oublie les autres.» Tounès Aït Ali insiste sur le fait qu'il faut combattre les violences et les injustices faites aux femmes. «Ce n'est pas parce qu'on est femme qu'on n'a pas le droit à la parole, à la liberté», dit-elle, et de poursuivre : «Il faut laisser à la femme la liberté de choisir avec qui elle veut vivre, avec qui elle veut partager le reste de sa vie. Et en tant qu'artiste, en tant que femme et aussi mère, je tiens à hurler cette liberté, à la revendiquer, à revendiquer la liberté de parler, de choisir et d'avoir une réflexion» Les monodrames que joue Tounès Aï Ali – et avec lesquels elle lève le voile sur les tabous, brise les interdits sociaux et moraux – peuvent ressembler à une revendication. Ils sont porteurs d'une charge de contestation. Et pour les observateurs, «ils sont un appel à la rébellion contre l'ordre social et politique». A ce propos, celle pour qui «le théâtre est un espace d'expression qu'il faut respecter», c'est-à-dire «on ne doit pas tout calculer pour monter une pièce, sinon ça devient de la censure», déclare : «La femme doit avoir la liberté d'être en tant qu'être humain. Il y a une part de politique dans tout cela. Les femmes n'ont toujours pas eu leurs droits. Mais, elles ne sont pas aussi soumises que cela, même si à l'intérieur du pays la femme est toujours gardée dans un statut inférieur.» Notons que dans ces monodrames qui traitent de l'actualité, on peut distinguer des rebondissements entre la comédie et la tragédie – on parle de tragi-comique. Tounès Aït Ali, lorsqu'elle joue ses personnages, les situations dans lesquelles ces derniers sont campés, joue sur l'ambiance. «Oui, et c'est fait exprès, parce qu'en fait, je pense que lorsqu'on traite des problèmes aussi sérieux on ne peut être trop dramatique, il faut rire un peu, pleurer, réfléchir et rester bouche bée, il faut avoir toutes ses couleurs pour qu'on puisse exprimer cette douleur spacieuse et infinie…» Y. I.