Trafic n Mai 2015, Palmyre, l'un des plus grands musées de plein air du Proche-Orient et ses trésors de la cité antique absolument unique (amphithéâtres, arc de Triomphe, temples, colonnades, chambres funéraires) tombaient entre les mains de l'Etat islamique. Pourtant, si ce groupe extrémiste fait la Une des journaux avec ses actions violentes et ses destructions de sites archéologiques, comme à Palmyre, il est loin d'être le seul à détruire le patrimoine antique de la Syrie. C'est ce que nous apprend entre autres un rapport rédigé par un spécialiste d'archéologie du Moyen-Orient de l'université de Dartmouth, dans le nord-est des Etats-Unis. Ce document, publié par le journal Near Eastern Archaeology, se base sur l'analyse de données satellites qui montrent 1 300 sites archéologiques sur les 8 000 environ que compte la Syrie. L'attention des médias «a conduit à une croyance répandue que le groupe EI est le principal coupable de pillages», indique Jesse Casana, professeur associé à Dartmouth. «Mais en utilisant les images satellites, nos études démontrent que les pillages sont en fait très communs à travers la Syrie». Selon l'Unesco, de nombreuses sources font état de fouilles illicites et de pillages massifs de la plupart des sites archéologiques syriens. Ces exactions sont le fait de groupes bien organisés et souvent armés, venant de Syrie mais aussi d'autres pays de la région. On sait par ailleurs, indique l'organisation onusienne, que des objets syriens commencent à apparaître sur le marché de l'art international. Les terroristes dynamitent, pillent et anéantissent tout ce qui constitue l'héritage culturel: les bibliothèques, les monuments, les musées, gommant les traces de la civilisation, les racines historiques et les savoirs ancestraux. Parallèlement, le marché noir de l'art voit affluer de nouvelles œuvres, œuvres dont divers acteurs ont pris possession. Palmyre est loin d'être la seule ville à avoir subie le pillage et la destruction durant ces années de guerre. En effet, de nombreuses autres villes ont connu le même sort : Ebla, où ont été mis à jour plusieurs milliers de tablettes cunéiformes, Apamée, connue pour sa Grande colonnade, Nimrud, cité sumérienne, Maaloula, ville dont le monastère abrite les reliques de Sainte Thècle…? la liste est impitoyablement longue, mais sans aucun doute Doura Europos mérite une mention particulière : cette ville située sur les rives de l'Euphrate a été détruite à 70%. En septembre, la chaîne CBS News a raconté l'histoire de contrebandiers vendant des objets pillés, dont une mosaïque prélevée dans la ville d'Apamée, dans l'ouest de la Syrie. L'exportation illicite d'artefacts rapporte chaque année des dizaines de millions de dollars. Selon l'évaluation d'Elena Agapova, vice-présidente de la Société orthodoxe impériale de Palestine, la contrebande de pièces de valeur culturelle et historique aurait rapporté aux terroristes près de 36 millions de dollars (32 millions d'euros). Ainsi, des milliers d'artefacts traversent quotidiennement les frontières de Syrie pour se retrouver dans les collections privées en Europe, aux Etats-Unis et dans les pays du Golfe. Lyes Sadoun Un marché de 200 millions de dollars par an ! l Selon plusieurs sources, environ 100 000 sites culturels d'importance globale sont pour le moment sous le contrôle de Daech, notamment 4 500 sites archéologiques, dont neuf figurent parmi les monuments classés par l'Unesco. Selon ces sources, les profits du commerce illégal d'antiquités et de valeurs archéologiques atteignent de 150 à 200 millions de dollars par an. Ainsi, de nouveaux centres de contrebande apparaissent à la frontière turco-syrienne. Des artefacts contrefaits (bijoux, monnaies) arrivent dans les villes turques d'Izmir, de Mersin et d'Antalya, où des représentants des groupes criminels internationaux produisent de faux documents sur l'origine des antiquités. Des ventes de ces marchandises sont aussi effectuées sur des sites de ventes aux enchères en ligne, tels que eBay, ou vauctions.com, ancients.info, vcoins.com, trocadero.com et auctionata.com. L.S. Nettoyage culturel du Moyen-Orient l Depuis 2014, une lutte contre l'héritage historique et culturel des terres de Syrie et d'Irak, souvent désignées comme «berceaux des civilisations» est entamée. La directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, avait déjà qualifié ces actes de vandalisme et de «nettoyage culturel». Avant le début de la guerre en Syrie en 2011, plus de 150 000 touristes visitaient cette oasis du désert située à 210 km au nord-est de Damas, aux 1 000 colonnes, aux statues et à la formidable nécropole de 500 tombes. Le 18 août 2015, l'EI, qui considère les statues humaines ou animales comme de l'idolâtrie, ampute Palmyre de ses plus beaux temples, en mettant sur le marché de l'art international tous ses trésors et détruisant à coups d'explosifs ce qui ne peut être transporté. Quelques semaines après, c'est l'arc de Triomphe, monument deux fois millénaire et symbole de cette cité antique classée au patrimoine mondial qui était réduit en cendres…