Terreur n Lorsque Hayat avait commencé à faire des entrées d'argent, grâce à sa machine à coudre Singer, elle avait arraché le droit de sortir. Hayat s'approcha de sa mère timidement et d'une voix tremblotante balbutia des mots que celle-ci avait eu toutes les peines du monde à comprendre : — Euh... ma... maman... je n'ai plus de tissu... — Et alors que veux-tu que cela me fasse que tu n'aies plus de tissu ? — Euh... tu... tu ... tu ne m'as pas compris... maman... — Comment veux-tu que je te comprenne si chaque fois que tu m'adresses la parole tu trembles comme si j'étais une terrible ogresse, prête à te dévorer. Une ogresse ? La mère ne croyait pas si bien dire. Hayat avait toujours eu peur de sa mère comme si elle était un monstre sorti des entrailles de la terre ! Un monstre cruel et amnésique. C'était elle qui depuis sa prime enfance lui avait appris à être lâche et peureuse. C'était elle qui lui avait appris à baisser les yeux dès qu'elle posait les siens sur elle. C'était elle qui lui avait toujours dit qu'elle était moins parce que le destin avait décidé qu'elle naisse fille. Hayat n'avait que treize ans lorsque son père aux moustaches en forme de guidon lui avait fait arrêter les études. Cette année-là, c'était en 1981, Hayat avait beaucoup pleuré au point où sa vue avait quelque peu faibli. Elle s'appelait Hayat, la vie, et son visage était devenu l'expression même de la mort. Elle avait, alors, supplié sa mère de faire changer d'avis à son père, mais celle-ci la vilipenda et la tira par les cheveux. Elle n'avait pas apprécié qu'elle ose remettre en cause la décision de son père. Elle lui avait toujours ressassé que le père, le mari et le frère ont toujours raison, même lorsqu'ils ont... tort ! En 1992, Hayat avait atteint vingt-cinq ans. Douze ans d'incarcération familiale. Elle avait beaucoup maigri alors qu'autrefois elle était grosse et joufflue. Elle portait maintenant une paire de lunettes en écailles mais uniquement à la maison. Pour ses parents le port des lunettes pour une fille est considéré comme un facteur enlaidissant et amoindrissant ! Cette trouvaille fut l'œuvre de son père et sa mère s'empressa de lui donner raison. «Quand les hommes te verront avec des lunettes ils se diront que tu es maladive ! Ils pourraient même penser que la faiblesse de ta vue traduit des faiblesses au niveau d'autres parties de ton corps... Si tu vois ce que je veux dire !» lui avait-elle lancé. A suivre