Résumé de la 6e partie n A partir de ce jour-là, Marie passait toutes ses journées à conduire ses deux moutons… Pendant ce temps-là, comme vous le pensez bien, l'étude et la lecture étaient très négligées; au lieu de s'instruire, elle oubliait ce que sa mère lui avait appris ; elle était devenue d'une paresse honteuse. Comme moi je n'ai jamais su lire ni écrire, parce que mes parents n'ont pas été assez riches pour m'envoyer à l'école, je ne pouvais pas lui continuer ses leçons, et je lui avais proposé de faire venir la religieuse qui lui avait donné son chat Mistigri, et dont elle n'avait pas peur, pour achever de lui apprendre non seulement à lire l'écriture, mais ce que tous les enfants de son âge savent sur le bout du doigt. Marie avait refusé. Il n'en avait plus été question. Par bonheur, un beau jour, une lettre arriva. Elle était toute criblée de cachets, si bien que je devinai qu'elle venait de madame. Mais comment la faire lire ? Je l'ouvris et la montrait à Marie ; elle eut beau la tourner et la retourner, épeler deux ou trois mots et par-ci par-là une ligne, elle ne put jamais en venir à bout. Quand j'eus bien joui de son embarras, j'allais chercher le petit Louis, l'enfant du jardinier, qui n'était guère plus âgé qu'elle. Je lui remis la lettre entre les mains, et le petit Louis me la lut tout couramment. Qui fut honteuse ? Ma Marie. Le lendemain, elle ne demanda pas mieux que j'allasse appeler la religieuse, et tous les matins elle étudiait deux heures comme un ange : la lecture, l'écriture, l'histoire sainte, la grammaire, elle ne boudait plus à rien ; et quand arriva la seconde lettre de sa mère, on n'eut plus besoin d'aller chercher le petit Louis. Cependant, l'un des fermiers qui venaient chaque semaine s'enquérir des nouvelles de nos maîtres, ayant dit à Marie qu'il allait commencer la moisson, elle désira beaucoup aller voir faire des gerbes, et nous convînmes du jour. Le fermier était à une lieue et demie de la ville ; elle voulut emmener toute sa ménagerie, son chat et ses deux moutons ; et le fermier, qui aimait beaucoup Marie, malgré tout ce que je lui en dis, les emporta dans sa carriole ; les gens de cette ferme étaient de bons paysans tout à fait complaisants. Ce que j'avais prévu ne manqua pas d'arriver. Les moutons, quand le cheval se mit à trotter, tombèrent presque aussitôt dans une espèce d'abattement, et Marie fut très inquiète, parce qu'elle croyait que ses moutons étaient malades. D'un autre côté, son chat commença à s'agiter, cherchant à s'échapper de la voiture. A suivre Charles-Philippe de Chennevières-Pointel