Constat n Les progrès de la robotique sont rapides et importants, comme l'attestent les rayonnages des magasins de presse qui regorgent de revues à ce sujet. En réalité, il y a moins de blocages technologiques qui freinent l'évolution de la robotique aujourd'hui qu'il n'y en avait pour l'informatique en 1981, lorsque IBM lançait le premier PC. Si bien qu'il faudra sans doute attendre moins de trente ans pour que la robotisation soit mature et généra-lisée. Le Japon vise un marché à 100 milliards de dollars d'ici vingt ans pour la robotique, tandis que le montant de l'exportation de robots destinés aux services à la personne s'élevait à plus de 80 millions d'euros pour la Corée du Sud en 2012. Ces deux pays envisagent la robotique comme un segment majeur du marché. Ce n'est pas un hasard si Asimo de Honda nous ressemble tant et possède aussi dix doigts. Il s'agit avant tout d'une plateforme de R&D (un ensemble, cohérent, mutualisé et mature de compétences et de moyens logiciels et matériels) dont le but est d'aboutir à des produits industriels qui devront à terme emprunter les mêmes escaliers que nous, saisir les mêmes objets. Les soins à la personne sont la cible principale des premiers fabricants de robots humanoïdes, comme le modèle Roméo (3) de la société française Aldebaran, devenue japonaise depuis peu. Mais si porter un plateau à une personne dépendante est déjà possible à un robot, il y a tout lieu de penser que le service en salle dans certains restaurants sera aussi concerné. Ainsi, alors que l'automatisation a amélioré la productivité industrielle, les emplois de service seront le domaine de la robotisation. Dans un autre secteur, les avantages de l'automobile robotisée, ou autonome sont évidents : la sécurité routière fera un bond considérable et on pourra se déplacer en voiture sans savoir ou pouvoir conduire. Selon Carlos Ghosn, le PDG de Renault-Nissan «les véhicules autonomes pourront être commercialisés en Europe à partir de 2020». La première génération ne se passera pas vraiment d'un conducteur, mais on peut penser que des véhicules totalement autonomes, comme la Google-car (5), sillonneront les routes françaises d'ici une dizaine d'années. La conséquence probable de cette mise en circulation est que les chauffeurs salariés seront susceptibles d'être remplacés par une telle voiture en une à deux générations automobiles, c'est-à-dire entre quatre et huit ans. Tous les chauffeurs ne disparaîtront pas, car il y aura toujours des trajets qui nécessitent une interaction humaine, mais une bonne partie d'entre eux sera devenue moins nécessaire, sinon inutile, en quelques années. Des métiers, comme ceux de plombier ou de psychologue, ne disparaîtront sans doute jamais, mais nos économies globalisées rendent la robotisation inéluctable pour un grand nombre d'acti-vités. Cette globalisation nous impose d'ailleurs d'investir dès aujourd'hui, et puissamment, dans les technologies de la robotique. Sans cela, nous subirons une robotisation du travail délocalisée, nous serons incapables d'intégrer ses effets dans nos projets sociaux et politiques, et nous serons les canuts de demain. Farid. H Vers une société oisive l Grâce à la robotisation, la substitution du capital au travail peut devenir infinie. On peut imaginer une personne qui possède un capital composé d'une forêt, d'un bâtiment et de robots. Certains de ces robots couperaient des arbres qu'ils débiteraient en planches, tandis que d'autres en replanteraient, d'autres encore fabriqueraient des chaises en bois et les emballeraient, et c'est un véhicule autonome qui viendrait prendre livraison des commandes passées sur Internet. Dans ce cas, le capital seul suffirait à produire des biens directement. S'il n'est pas certain que cet exemple extrême existe un jour, il faut néanmoins s'attendre à ce que le développement de la robotisation augmente violemment les mécanismes de concentration de la richesse vers le patrimoine et réduise d'autant sa redistribution par le travail. L'Homme devient «moins libre» l Avec l'avancée rapide des technologies, l'homme est devenu de plus en plus «un support d'information», qui perd peu à peu une partie de sa liberté sans même s'en soucier, regrette le philosophe français Jean-Michel Besnier. Se définissant comme un humaniste, ce professeur de philosophie à la Sorbonne, spécialiste de «l'homme augmenté» au CNRS (Centre national français de la recherche scientifique), aimerait que les citoyens se saisissent de ces questions pour tenter de poser des limites. Pour lui, nous sommes de plus en plus entourés de machines supposées nous faciliter la vie. La voiture autonome, par exemple, sera censée améliorer la circulation, la sécurité, nous redonner du temps. Mais l'homme peut se sentir de plus en plus dépossédé de l'initiative. Il n'est plus aux commandes de grand chose, et de ce fait, il n'est plus responsable. Il devient moins libre, donc moins moral et se comporte de plus en plus comme une machine. Cela ouvre la voie à une déshumanisation. «Etre libre, c'est accepter le hasard, prendre des risques», a-t-elle précisé. Estimant que la question de la responsabilité se pose de façon particulièrement aiguë pour les drones de combat autonomes, qui, dans un avenir proche n'auront plus besoin d'être télécommandés par des humains», la philosophe craint que l'Homme puisse perdre le contrôle de ce qu'il a créé. «Je ne dis pas que nous allons créer Frankenstein. Mais je pense que nous sommes dans un monde, où l'ingénieur ne sait plus tout à fait ce qu'il fait. Il produit des créatures qui le surprennent lui-même», a-t-elle ajouté. Un robot…. chirurgien l Il y a quelques jours, un robot autonome a réussi à rattacher, sous la supervision d'un chirurgien, deux parties de l'intestin d'un porc, une grande avancée dans la chirurgie délicate des tissus mous de l'organisme, où le risque de complications est élevé. Ce nouveau robot, appelé «Smart Tissue Autonomous Robot» (Star), ne remplace pas pour autant des chirurgiens spécialisés, mais il leur donne un outil capable d'une plus grande précision pour faire notamment des sutures, expliquent des chercheurs, qui publient leurs travaux dans la revue américaine «Science Translational Medicine». Ceux-ci montrent que le robot Star a surpassé la dextérité et la précision des chirurgiens, ainsi que celle d'un instrument robotique déjà commercialisé, appelé Vinci Surgical System, pour recoudre deux parties d'un intestin de cochon. Le robot Vinci est manipulé manuellement par le chirurgien. «En éliminant l'intervention humaine, des robots autonomes pourront potentiellement réduire les complications et améliorer la sûreté et l'efficacité des interventions chirurgicales sur des tissus mous. Celles-ci concernent environ 45 millions de personnes par an aux Etats-Unis».