Résumé de la 10e partie n On n'avait, par toute la maison, faim et soif que d'amusements. C'est là que, sans perdre un coup de dent, on entendait les discours et les toasts : A vous, monsieur le sous-préfet ; – à vous, monsieur le maire ; – à vous, monsieur le député ; – à vous, monsieur le curé ; – à vous, messieurs les primés ; – à vous, messieurs les membres du comice. – Il y en avait pour tout le monde, et tous mangeaient comme des sourds, les vieilles gens surtout, dont le dîner de deux heures avait été cruellement retardé. Tout ce monde-là était si fatigué d'avoir piétiné, la journée entière, dans la poussière, sous le soleil ; ils se trouvaient si bien assis à cette bonne table, et les aubergistes de Bellesme avaient si bien joué de la casserole, que le plus grand nombre, j'imagine, auraient donné leur part du feu d'artifice pour une heure de plus de café, de rincette et de pousse-café. Mais il n'est si bonne table qu'il ne faille quitter, et les commissaires de la fête voyaient eux-mêmes avec regret s'allumer aux fenêtres de la place Saint-Sauveur les premiers feux de l'illumination. – Père, mère, disaient depuis deux heures, à droite, à gauche, les enfants de Saint-Santin, est-ce qu'on ne va pas placer sur la terrasse les lanternes vénitiennes et les chandelles à la fenêtre du pignon ? Il faisait, ma foi, grand jour encore quand on les mit en place, les lanternes et les chandelles, et déjà commençaient à remonter vers Saint-Santin, et les enfants, et leurs parents, et leurs bonnes, qui avaient vu de là, avant dîner, s'enlever le fameux ballon, et venaient maintenant y attendre les merveilles du feu d'artifice. En moins d'une heure, les allées du jardin fourmillaient de nouveau des galopins de l'après-midi. D'abord, ce furent des cris et une turbulence à s'en boucher les oreilles. Mais à mesure que le jour commença à tomber et l'ombre à se faire, les fillettes et les garçons se rapprochèrent tout doucement de leurs bonnes et se mirent à tourner autour de leurs cotillons et à leur demander des histoires comme celles du matin. Des histoires, grand Dieu ! Il en courait à ce moment dans tout l'air de Saint-Santin ; on en contait à la fois dans le salon aux sombres tapisseries, entre les parents, éparpillés auprès de la fenêtre qui s'ouvre vers la forêt ; – dans la cuisine, entre les servantes de la maison et la jardinière, qui venait chercher les eaux grasses pour ses gorins ; – les plus belles, dans le jardin, sous les arbres verts, entre les bonnes et les nourrices, assises sur le talus de gazon, les pieds ballants, dans l'allée qui longe le massif, et d'où elles ne pouvaient manquer d'apercevoir l'éblouissante fusée qui donnerait le signal. Charles-Philippe de Chennevières-Pointel