Situation n La rareté de la matière première menace l'artisanat et c'est un véritable cri de détresse que les artisans ont lancé. Un bijoutier d'Ath Yenni, que nous avons rencontré au jardin Mohand Oulhadj de la ville des Genêts, Tizi Ouzou, qui a abrité la 8e édition du Salon de l'artisanat, nous a signifié clairement que l'argent est inexistant au niveau du marché local. «C'est moi-même qui ai acheté le dernier kilo d'argent à Agenor, depuis le mois d'octobre dernier, et à ce jour cette matière reste introuvable, cela sans compter l'inexistence du corail sur le marché local depuis les années 2000», dira-t-il, et d'ajouter : «Nous allons tous devenir des chômeurs dans quelque temps, dès que nos stocks seront épuisés.» Les bijoutiers se trouvent contraints de s'approvisionner en matière première du marché noir, où le kilo d'argent est cédé à près de douze millions de centimes et le kilo de corail à trente-cinq millions de centimes. «Cette situation s'est répercutée sur la vente de nos produits que tout le monde trouve trop chers», nous dira un autre bijoutier. En effet, le coût du gramme d'argent se situe entre 160 à 400 DA, selon la difficulté du travail, nous expliquent les professionnels de ce métier, qui n'ont pas manqué de soulever d'autres problèmes auxquels ils font face, à l'image des impôts et de l'âge requis pour la retraite. «On nous impose d'avoir au moins un stagiaire pour bénéficier de la réduction des impôts à 10 000 DA, alors que ces stagiaires ne se bousculent point au portillon pour faire une formation, personne n'en veut…», nous dira notre interlocuteur, qui poursuivra : «Mon métier que j'exerce depuis mon plus jeune âge m'a engendré des problèmes respiratoires et des problèmes de vue en raison de l'exposition quotidienne à la pollution aux métaux lourds et à l'acide sulfurique, uti-lisés dans le nettoyage des impuretés et résidus de l'argent, c'est pour cela que nous demandons la retraite avant 65 ans». Même son de cloche chez Azeddine Ghellab, venu d'El Kala exposer des bijoux fait en corail. «Nous arrivons difficilement à écouler notre marchandise vu la cherté de la matière première achetée au marché noir, dont le prix avoisine souvent les vingt-cinq millions de centimes, selon la qualité du corail», nous explique ce sexagénaire qui a exposé des bijoux d'une qualité inestimable. La rareté de la matière première ne se limite pas à la bijouterie, même la dinanderie en souffre. C'est ce que nous explique M. Aeghraoui Aid de Sétif qui dit avoir participé plus d'une vingtaine de fois à ce genre de manifestation à Tizi Ouzou. « La réalité du terrain nous oblige à élever le coût de nos produits, les feuilles de cuivre se trouve rares, et quand on les trouvent chez le privé elles sont cédées à 7000 DA la feuille fine, c'est pour cela que je fait dans la récupération », nous dira-il et d'ajouter « comme solution j'ai opté pour la réalisation de petit objets décoratifs, les grands coûtent trop cher et du coup ne se vendent plus…, ce là sans parler de la concurrence rude des produits de l'importation, certes de moindre qualité, mais qui sont nettement moins chers».