Alger Sous le siège arrière du véhicule, une passagère fait une découverte macabre. Il est près de 15 heures, un jour du mois de juin 2003, à Alger. Un chauffeur de taxi dépose un client devant chez lui. Il démarre aussitôt à vive allure et roule. Une femme vêtue d?une djellaba bleue, la tête ceinte d?un grand châle qui ne laisse voir qu?une partie de son visage, portant des sachets à la main, apparemment des emplettes, hèle le taxi. Hamid arrête son véhicule. Sans hésiter, elle ouvre la portière, s?engouffre dans le véhicule et s?installe à l?arrière. Le chauffeur répond discrètement au salut de la passagère, qui lui indique la direction : quartier Saïd-Hamdine, à Hydra. C?est le silence dans le véhicule. De temps à autre, un léger bruissement se fait entendre ; la passagère semble occupée par les achats qu?elle vient d?effectuer, puis le bruit cesse. Arrivée à destination, la jeune femme paie sa course, salue le chauffeur et descend du véhicule. Hamid, tel un automate, redémarre aussitôt. Il est presque 17 heures. Au coin d?une rue, Hamid embarque un couple. L?homme s?installe à côté du conducteur et la femme à l?arrière. Soudain, cette dernière marmonne quelque mots. Hamid se tourne vers elle et tente de comprendre ce qu?elle dit : «Oui Madame ? ? Il y a un sachet, là, sous le siège, lui dit-elle. ? Un sachet ? Quel sachet ? Montrez-le moi !» La femme se saisit du paquet et le tend au chauffeur. Celui-ci s?en empare et l?ouvre. Dans le sachet, il y a un cadavre de bébé ! Le petit corps est froid, glacé même. Le chauffeur est sidéré. Un bébé, mort de surcroît ! Il panique, le couple est lui aussi dans tous ses états. Qui a pu déposer là ce sachet ? Du regard, Hamid interroge la femme, elle s?indigne : «Mais monsieur, vous êtes fou ? D?ailleurs, pourquoi aurais-je attiré votre attention dans ce cas ? Je n?ai pas pu le poser, croyez-moi.» Après un moment de panique, le chauffeur redémarre en trombe, direction le commissariat, où il relate sa mésaventure. La police tente de retracer les différents itinéraires qu?il vient de parcourir, sans oublier les passagers bien sûr. Les enquêteurs s?intéressent aussitôt à la femme de Saïd-Hamdine. Ils demandent à Hamid de les conduire à l?immeuble en question. Fort heureusement, le chauffeur se rappelle avec précision le bâtiment devant lequel il a déposé la femme, la seule passagère qui soit montée à l?arrière entre 15 et 17 heures. Les policiers interrogent des jeunes pendant que Hamid décrit l?inconnue aux sachets. D?abord évasifs, les jeunes finissent par être plus précis. L?un d?eux leur montre du doigt la fenêtre de l?appartement où habite la passagère. Hamid et les policiers montent quatre à quatre les escaliers. Ils frappent à une porte, un femme ouvre, Hamid la reconnaît aussitôt et la désigne aux policiers, qui lui demandent de les suivre. Elle semble très étonnée et ne cesse de leur demander pourquoi. A leur arrivée au commissariat, l?officier confronte la femme au chauffeur de taxi ; celui-ci confirme l?avoir prise à bord de son véhicule alors qu?elle était chargée de paquets. Elle nie tout en bloc les dires du chauffeur. «D?ailleurs, ajoute-t-elle, je ne suis pas du tout sortie de la maison aujourd?hui.» Cette réponse ne semble pas convaincre le policier qui continue à l?interroger. Vers minuit, elle craque enfin et reconnaît avoir bel et bien déposé le cadavre du nouveau-né, qui n?est pas à elle, précise-t-elle. Effectivement, ce n?était pas son enfant, mais celui d?une amie qui l?avait chargée de la débarrasser de ce fruit du péché moyennant une grosse somme d?argent. Les policiers vont chercher aussitôt la mère en question. Celle-ci reconnaît lui avoir confié le nourrisson, mais vivant ! Une autre femme devait le prendre pour en faire son enfant. «Non ! s?insurge la passagère, j?ai pris le bébé qui était déjà mort pour l?oublier exprès dans un taxi.» Qui dit la vérité ? Les deux femmes sont arrêtées. C?est lors de l?instruction que la lumière sera faite sur cet infanticide. Le jour du procès, le 20 septembre 2004, au tribunal d?Alger, les deux femmes sont condamnées à 10 ans de prison ferme chacune.