Evénement n 40 mères de jeunes toxicomanes ont été conviées, au cours de cette semaine à l'occasion de la Fête des mères, à faire partie du groupe de parole organisé au sein du Centre intermédiaire de soins en addictologie (Cisa) de la wilaya de Tipasa sis à Fouka. Outre Tipasa, elles sont venues de certaines wilayas limitrophes, ainsi que de Batna. Elles ont répondu pour la deuxième année consécutive, à l'invitation du staff du Cisa. «Ce regroupement fait partie de la thérapie que nous dispensons aux jeunes toxicomanes et à leur famille», nous a expliqué Dr Lallia Anteur, médecin responsable par intérim du centre. «Je ne sais pas ce qui nous serait arrivé si ce centre n'existait pas. Je commence à reprendre goût à la vie et à récupérer mon fils qui passe son bac aujourd'hui», nous dit une dame de la wilaya d'Alger. Les femmes médecins chargées du suivi des jeunes toxicomanes ont, en toute simplicité, partagé les repas et gâteaux traditionnels faits par ces femmes et même par le staff du centre. «Cela fait partie de la thérapie que nous dispensons aux jeunes toxicomanes et à leur famille pour donner l'espoir à ces mères qu'une issue existe. Il faut juste avoir un peu de patience», nous a expliqué Dr Lallia Anteur, médecin responsable par intérim du centre. Elle a rendu un hommage posthume à une mère décédée et qui suivait son fils pendant 3 ans avant de mourir, «il a beaucoup pleuré après sa rémission», se rappelle-t-elle. Quelque 800 cas sont suivis au niveau de ce centre, dont 60% de taux de rémission, selon notre interlocutrice. Les mamans ont hâte de voir leurs enfants guérir rapidement. Toutefois, les cas diffèrent chez chaque patient, selon Dr Anteur, «la rechute est obligatoire durant le parcours de traitement pour la prise de décision et dire non à la drogue. Nous avons de 20 à 30 % de rechutes et 10% s'en sortent dès la 1re fois. On ne se décourage pas. Sans rechute, le patient ne guérit pas», a-t-elle assuré. Les femmes se sentent perdues et ne savent pas comment agir. Ce qu'elles craignaient par-dessus tout, c'est de perdre leurs fils. Et sans jamais renoncer, elles veulent coûte que coûte faire franchir la ligne d'arrivée à cet enfant en proie de sa drogue. Durant les deux heures de prise de parole, nous avons noté que la grande majorité des femmes présentes sont des intellectuelles, ou au moins d'un certain niveau d'instruction. Etaient présentes aussi de nouvelles mamans invitées pour une dose d'espoir. Devenues amies, ces mères de famille ont échangé leurs expériences amères, se sentant ainsi moins seules. Toutefois, certaines réticences à parler ont été constatées. Souad Labri Sentiment de culpabilité l Trois femmes à l'expression triste pleuraient et affichaient des sourires en même temps. «J'ai beaucoup de remords. Je m'interroge pourquoi je n'ai pas protégé mon fils. Je me demande souvent pourquoi cela m'a échappé. Je n'ai réellement pas su éduquer mon fils», a lancé une dame. Partageant le même avis, une autre a révélé que son fils lui disait souvent pour la calmer «non maman ce n'est pas toi, mais c'est vraiment ma faute et ma mauvaise fréquentation». Une autre dame disait qu'elle se sentait obligée de donner de l'argent à son fils pour acheter «'el hamra», «il devenait très violent avec moi. J'avais peur qu'il se fasse mal et qu'il me fasse mal moi aussi», se rappelle-t-elle. Aujourd'hui son fils est en cours de traitement depuis quelque mois «je suis soulagée aujourd'hui depuis le début de son suivi au Cisa, c'est lui qui cherche son médecin. Il suit ses consignes et s'est beaucoup calmé», a-t-elle repris en marge de la rencontre. Certaines mères, même si leurs enfants ont rechuté plusieurs fois, n'ont pas perdu la bataille, «c'est le djihad» pour elles. Elles continuent à suivre et accompagner leurs enfants toujours en cours de thérapie. Une dame nous a parlé de son soulagement depuis que son mari est suivi au niveau de ce centre, «après 7 ans de souffrance dans la rue, nous avons finalement trouvé refuge», a-t-elle révélé avec sa voix étranglée par les larmes. Le Cisa a récemment reçu la visite d'inspection d'un expert des Nations unies, en visite officielle en Algérie», un rapport sur le fonctionnement du Cisa de Tipasa sera présenté à l'ONU, portant sur la qualité des soins et le droit aux soins de la population concernée», nous a indiqué Dr Anter en sachant que ce centre a été félicité par écrit par cet expert. S.L «Et si ce centre n'existait pas ?» l «Je commence à récupérer mon fils», «Je ne sais pas ce qui nous serait arrivé si ce centre n'existait pas», « El hamdoullah pour le moment»… Beaucoup de confessions entre mamans ce jour-là. Elles se connaissent toutes, même les nouvelles ont facilement intégré le groupe des mamans ayant partagé leur «cauchemar» qui remonte à 6 mois, 1 an, 3 ans, voire 5 ans, pour quelques unes. Mais elles tiennent le coup. «On ne cesse d'expliquer lors des thérapies de famille et de mamans que chaque cas est isolé. Il ne faut jamais s'interroger pourquoi ce jeune s'en est rapidement sorti d'affaire et moi je suis toujours en train de traîner ici avec mon fils. La toxicomanie est une maladie à différents degrés. Il faudra juste de la patience, car notre staff fait de son mieux sans jamais se lasser», nous explique Dr Yahiaoui, médecin généraliste du Cisa. Une dame s'est dit surprise du degré d'humanisme au sein de ce centre, au point de nous lancer: «Pourtant c'est un établissement étatique.»Pour dire qu'elle n'a pas l'habitude de voir un tel comportement de la part d'un staff d'une structure étatique. S.L Ces pères démissionnaires l Certaines ont parlé du mari démissionnaire, qui, non seulement ne tend pas la main à son fils, mais va jusqu'à mettre à la porte toute sa famille. Cette femme découvre que son mari lui aussi est toxicomane, «el hamdoullah cela s'est arrangé après qu'il m'a chassée avec mes trois enfants tout jeunes dans la rue. Mon mari a pris lui-même notre fils vers ce centre de traitement. Il ne voulait pas que notre enfant suive le chemin de la drogue comme lui», a-t-elle raconté. Une autre a parlé de la démission de son mari. Mais elle ne peut, selon elle, le quitter après 30 ans de mariage, «il a chassé notre fils de la maison. Je suis partie avec lui et ses deux autres frères dans la rue. Je le rappelais à mon fils drogué afin de le sensibiliser sur la gravité de ma décision et de mon sacrifice. Il me répondait confiant en lui qu'il était prêt à me prendre en charge. Ma famille m'a bien épaulée, surtout mes frères qui se sont engagés à nous prendre en charge et même mon fils. Ils le suivent à ce jour parallèlement avec le Cisa. Mon fils rechute de temps à autre. Il a remplacé la drogue par la cigarette qu'il a cessé de consommer aussi depuis une semaine». Une autre mère d'un jeune de 34 ans, a opté pour le silence, «son fils est hyper doué. Mais il est tombé dans le piège. Elle n'arrive pas à en parler. Il va guérir. Mais c'est une question de temps», a rassuré Dr Yahiaoui.