Personnalité n Hadj Mohamed-Tahar Fergani décédé, hier mercredi, à l'âge de 88 ans était un des monuments de la musique malouf. De son vrai nom Regani, Mohamed-Tahar est né le 9 mai 1928 à Constantine dans une famille de musiciens. Son père, Cheikh Hamou Fergani (1884-1972) était un chanteur et compositeur réputé du genre hawzi. Mohamed Tahar Fergani a débuté sa carrière artistique dans le genre oriental égyptien évoluant dans une troupe musicale avant de changer de registre et de s'orienter vers le malouf propre à Constantine, sous l'influence des ses Cheikh Hassouna Ali Khodja et Baba Abid. En 1951, à Annaba, il se fait remarquer à un concours musical, dont il remporte le premier prix, et, dans la foulée, enregistre un premier album qui l'impose, à la fois, comme chanteur populaire et maître du malouf. Au contact des grands maîtres de l'arabo-andalou algérien, tels Dahmane Ben Achour ou Abdelkrim Dali, il perfectionne son art. Sa voix exceptionnelle et son coup d'archet inégalable ont fait de Hadj Mohamed Tahar le maître incontesté de l'école du malouf constantinois. Appelé la mémoire vivante du malouf, El Hadj a œuvré pendant les 70 ans de sa carrière artistique à perpétuer la musique malouf et n'a cessé de charmer par la qualité de son interprétation un grand nombre de mélomanes. Il compte à son actif des centaines d'enregistrements de chansons malouf mais également dans les genres musicaux, le mahjouz, le zjoul et le Hawzi. Des enregistrements, de l'avis des musicologues, qui ont amplement contribué à préserver le patrimoine musical de Constantine. La dernière apparition en public de Mohamed Tahar Fergani était en juillet 2015, à l'occasion d'un hommage rendu à son père Hamou Fergani et son frère Mohamed- Seddik dit Zouaoui, dans le cadre de la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe», où le maître du malouf, du haut de ses 87 ans, avait donné le ton à une gaâda purement constantinoise et était accueilli avec des youyous et par des tonnerres d'applaudissements. La dépouille de l'inégalable interprète de «Galou larab galou» et "Ya Dhalma» sera exposée à la maison de la culture Malek-Haddad, dés son arrivée de Paris (France), a précisé à l'APS une source de la direction de la culture. Des artistes et hommes de culture ont salué la mémoire de Mohamed Tahar Fergani, déplorant la disparition d'«un des repères» de la musique andalouse en Algérie, tous genres confondus. Layachi Eddib, un des interprètes les plus en vue du malouf constantinois, a salué la mémoire d'un «artiste exceptionnel» au parcours «unique» et qui a porté le malouf constantinois «au-delà des frontières algériennes». Hamdi Bennani, autre grand interprète du malouf, dont la première rencontre avec le défunt remonte à 1956, a tenu à rendre hommage à un grand musicien qui a «révolutionné le malouf» par une touche personnelle et l'introduction des modes orientaux. R. C. / APS l Bouleversé par cette perte, le jeune chanteur de malouf, Abbas Righi, déplore la disparition d'une «merveille du malouf qui symbolise à lui seul tout un pan important de la culture algérienne», estime-t-il. Le président de l'Association de musique andalouse «El Inchirah», Smail Hini, regrette, pour sa part la disparition d'un «monstre sacré» du malouf, qui a formé plusieurs générations de musiciens à travers ses enregistrements et sa manière «unique» d'interpréter des pièces rares du malouf à l'instar de «El Boughi». De son côté, le directeur de l'Opéra d'Alger, Noureddine Saoudi, a salué le génie du maître du malouf dont la disparition laisse un «grand vide» dans le paysage culturel algérien et celui du malouf, alors que le directeur artistique de l'Association de musique andalouse «Les Beaux-arts d'Alger», El Hadi Boukoura, déplore la disparition d'«un des repères»de la musique andalouse. Réagissant par un post sur sa page Facebook, le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, s'est dit très attristé par le décès de Mohamed Tahar Fergani : avec cette disparition «l'Algérie aura perdu un de ses plus grands artistes» qui a consacré sa vie à «la préservation (du malouf), un art raffiné et apprécié», en Algérie, écrit le ministre en substance. R. C. / APS Cinéma / «Ouled Mokrane» : Un drame aux rancœurs personnelles l Le film «Ouled Mokrane» du cinéaste algérien Amor Hakkar, une fiction dédiée à la rencontre dans les années 1980 d'une Algérienne et d'une Française autour du souvenir d'un événement traumatique survenu dans un village des Aurès durant la guerre de libération nationale, a été projeté en avant-première mercredi à Alger. Unique film algérien en compétition au 7e Festival international du cinéma d'Alger (Fica), dédié au film engagé, cette quatrième fiction d'Amor Hakkar aborde, en 81 minutes, les séquelles laissées par la guerre chez Aïcha, jeune enseignante témoin à l'âge de dix ans du massacre de son village par l'armée française, et chez Margueritte, en voyage en Algérie sur les traces du son fils, un appelé tué à l'âge de 19 ans durant le siège du même village. Construit à partir des échanges entre Aïcha et Margueritte dans une chambre d'hôtel à Khenchela et des flash-back introduits par ce dernier, le film revient également sur l'enfance de ce jeune appelé, «bâtard» d'une union entre un soldat algérien prisonnier en France durant l'occupation allemande, et de la fille d'un propriétaire terrien local, complice des Nazis. Avec une narration circulaire et des dialogues plus qu'explicites, laissant peu de place à l'imagination et aux propres interprétations du spectateur, Amor Hakkar déroule le scénario et présente, séquence après séquence, les tenants et aboutissants d'un drame où rancœurs personnelles, culpabilité et crimes de guerre de la colonisation française en Algérie participent à donner un sens à la rencontre entre les deux femmes. Ce choix de mise en scène, inhabituel pour ce cinéaste aux fictions «linéaires», comme il l'a lui-même concédé lors de la présentation de son film à la salle El Mouggar, confère à «Ouled Mokrane» un rythme des plus lents, tout en ne proposant pas assez d'éléments dramatiques pour tenir en haleine le spectateur. Le cinéaste compense les «lourdeurs» de son film par une esthétique rappelant pour les spectateurs habitués de son travail, des précédentes œuvres comme «La Maison jaune» (2008) pour les séquences aurésiennes du film et «Quelques jours de répit» (2011) pour sa manière de filmer la campagne française et sa population. Avec ce film, le cinéaste réussit dans son choix de diriger de jeunes acteurs algériens issus du théâtre, une expérience déjà menée avec Nabil Asli dans son précédent film «La preuve» (2013). APS Festival international du cinéma d'Alger Film engagé, miroir de la société ? Rencontre n «L'engagement dans le cinéma entre appels et défis» est le thème de la conférence qui a eu à la cinémathèque d'Alger et ce, dans le cadre du Festival international du cinéma d'Alger. Quelle est la place de l'engagement dans le 7eme art en termes d'approche de la vie sociale, politique et pour les causes humaines… Le thème, inscrit dans le programme du festival pour la deuxième table ronde à la cinémathèque, a suscité des avis multiples quant au besoin des professionnels à opter ou non pour ce genre de cinéma. Ahmed Bedjaoui modérateur, Mereia sentis Casablancas, auteur, Abdelkrim Bahloul, cinéaste et enseignant, Sékou Traoré cinéaste et Michel Serceau historien du cinéma ont chacun privilégié leur point de vue. Si pour les réalisateurs, cinéastes et acteurs ayant pris leur bâton de pèlerin sur ce chemin du témoignage et de la révélation, c'est un combat pour la vérité. Pour d'autres, l'engagement via le 7eme art n'a pas lieu d'être, puisque toute image produite est systématiquement porteuse de message. Car comme le signale Michel Serceau : «Le cinéaste est un «guideur»… un film ne peut pas changer les sociétés mais peut les faire bouger dans leur confort.» Pour Mereia Sentis Casablancas et Sékou Traoré, se rejoignant dans leur conception idéologique, le cinéma reste un vecteur certes artistique, mais également un éveil des consciences vis-à-vis des révoltes et injustices dont regorge l'Histoire. Pour ce qui est notamment de la traite des enfants, des enfants soldats, de la corruption, ainsi que de la réécriture de l'histoire des opprimés et des vaincus. Abdelkrim Bahloul, quant à lui, s'est tout de suite défini comme n'étant pas un cinéaste engagé : «J'apporte ma propre parole…» Et de citer le film américain «Kramer contre Kramer» qui a contribué à changer la vision traditionnelle, de la prise en charge des enfants par leur génitrice. Au-delà de l'intérêt que peut susciter le film engagé auprès du public, les réflexions et notions ont porté également sur la dimension militante, distincte de la portée dite engagée. Intervenant sur ce sujet, Ahmed Bedjaoui a fait remarquer en substance qu'un film engagé peut être une œuvre pour peu qu'il raconte «une belle histoire» et qu'il soit de qualité. D'autres aspects sur l'engagement du cinéma ont été développés en ce qui concerne la propagande comme identité première du film, l'ancrage de ce style de cinéma à l'actualité, le formatage du cinéma engagé ainsi que les grandes comédies musicales «à gros succès» qui sont «des œuvres cinématographiques engagées» dixit (Ahmed Bedjaoui).