Crise - Maduro renforce encore son pouvoir avec le limogeage de la procureure générale devenue ces derniers mois une opposante de poids. Le président vénézuélien a porté un grand coup à ses opposants : à peine installée, la Constituante qu'il a dotée de pouvoirs illimités a limogé une adversaire des plus coriaces, la procureure générale Luisa Ortega, au risque d'aggraver encore les tensions avec la communauté internationale. «Ce qui se passe au Venezuela, c'est une prise en otage totale de toutes les institutions par un seul camp, par un seul parti politique», a réagi hier samedi le président du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition. Mme Ortega, une chaviste historique qui a pris ses distances depuis plusieurs mois avec Maduro, a indiqué qu'elle ne reconnaissait pas cette décision. Dans la matinée, des unités de la Garde nationale bolivarienne (GNB) l'avaient empêchée d'accéder aux bureaux du Parquet général dans le centre de Caracas. «C'est une dictature!», avait-elle dénoncé, tout en promettant de continuer «à lutter pour la liberté et la démocratie au Venezuela». «Non seulement ils arrêtent les gens arbitrairement, mais ils les font juger par la justice militaire, et maintenant ils ne laissent pas entrer la procureure générale dans son bureau.» Elle avait finalement quitté les lieux assise à l'arrière d'une moto. Le Parquet général, qu'elle dirige, avait ouvert mercredi dernier une enquête pour fraude électorale présumée lors du scrutin de l'Assemblée constituante le 30 juillet dernier, réclamant en outre l'annulation de l'installation de cette toute-puissante institution. Nommée en 2007 par le président Hugo Chavez, Ortega était la principale figure institutionnelle à oser défier publiquement son successeur. Au cours d'une séance publique et télévisée, les membres de la nouvelle Assemblée constituante ont voté à main levée sa révocation. Il ne restait plus à la présidente de la Constituante de proclamer, avec le sourire, la révocation «à l'unanimité» de Mme Ortega. «Procureur, traîtresse, ton heure est arrivée», ont aussitôt scandé à plusieurs reprises nombre de participants. La Cour suprême de justice ((TSJ), accusée par l'opposition d'être inféodée au pouvoir, a annoncé plus tard que Mme Ortega serait jugée pour des «irrégularités». Ses comptes ont par ailleurs été bloqués et il lui a été interdit de quitter le pays. Elle a aussitôt été remplacée à son poste par un proche du pouvoir, le «défenseur du peuple» Tarek William Saab, 59 ans. Ce limogeage risque d'empirer les relations déjà tendues du Venezuela avec la communauté internationale, inquiète de la dérive autoritaire du régime. Présidée par l'ex-ministre des Affaires étrangères, la Constituante a pour mission de réécrire la Constitution de 1999 promulguée par Chavez. Maduro lui a notamment fixé pour mission d'apporter la «paix» et de redresser l'économie en lambeaux de cette nation pétrolière, naguère immensément riche. L'opposition accuse en revanche le dirigeant socialiste de vouloir accroître ses pouvoirs et prolonger son mandat qui s'achève normalement en 2019. Installée officiellement vendredi dernier, la Constituante a fait savoir hier samedi qu'elle siégerait pour une durée maximale de deux ans. L'élection de la Constituante, il y a une semaine, a été entachée par des violences qui ont fait dix morts, alors que déjà plus de 120 personnes ont été tuées en quatre mois de manifestations contre le gouvernement.