C'est l'histoire d'un homme qui était en déplacement. Arrivé au bord d'un ruisseau, voilà qu'il trouva une vipère. ? Eh l'homme, lui dit-elle, je vous en conjure, faites moi passer. ? C'est ça, ma bonne dame, fit le voyageur, je m'en vais vous faire passer et alors, vous ne voudrez plus descendre. ? Pour sûr, protesta-t-elle, je vous en ferai promesse solennelle. ? C'est entendu, dit-il, où vais-je vous mettre ? ? Jetez moi simplement sur votre épaule. Il la prit donc sur son épaule. Et quand il l'eut fait traverser, elle ne voulut plus descendre. Elle lui signifiait qu'elle le citait en justice : ? Nous allons soumettre notre litige au chameau que voilà, lui dit-elle. Le chameau, lui, était vieux ; il ne se levait plus. ? S?il me condamne à descendre, ajouta-t-elle, je descendrai ; s'il vous condamne à me porter, vous me porterez. Quand ils furent près du chameau, elle dit à celui-ci : ? Pour ce qui est de ce fils d'Adam, partout où il me trouve, il me tue. Et vous, maintenant, comment allez-vous trancher entre nous ? ? Faites-lui un n?ud coulant, dit le chameau. Tant que j'étais en bonne santé et que je transportais de lourdes charges, je vivais dans l'intimité de l'homme. Maintenant que j'ai perdu la santé, eh bien, vous voyez dans quel état il m'a abandonné. Ils partirent et se rendirent auprès d'un cheval. ? Voilà, lui dit la vipère, je vous ai amené cet individu pour que vous nous fassiez justice. ? Il n'y a pas d'autre justice pour lui, dit le cheval, que celle-là même que vous lui avez faite là. Au temps où j'étais en bonne santé, il m'avait confectionné une selle et des rênes brodées et il me faisait ferrer en temps utile ; j'avais droit à toute sorte de fourrage et à tout ce qui me faisait besoin. Je le sauvais du milieu de l'ennemi et le ramenais dans le camp ami. Maintenant que j'ai perdu la santé, eh bien, vous voyez dans quel état l'homme m'a abandonné. Serrez-lui le n?ud coulant à lui en faire jaillir les yeux des orbites. ? En voilà de deux, dit la vipère à l'homme, à qui nous avons soumis notre différend. Chez qui voulez-vous encore aller ? ? Je ne vous en demande plus qu'un seul, dit-il. ? C'est entendu, accorda-t-elle, mais à quelque personne que nous nous adressions, vous trouverez dans son arbitrage les conséquences de votre comportement. (à suivre...)