Le pouvoir central abbasside se déplaça de Syrie en Irak et y prit pour capitale Bagdad, ville neuve, fondée en 762. Les Abbassides prétendirent appliquer la doctrine de l?islam idéal, interprétée comme préconisant une société sans classes, une fraternité de croyants sous l?autorité d?un chef politico-religieux, issu de la famille du Prophète, faisant régner la justice et l?ordre selon les préceptes du Coran et de la tradition. Les juges (qadis ), nommés désormais par le calife, devaient appliquer la Charia (loi religieuse) considérée théoriquement comme la seule norme valable. Cependant, un vizir (de l'arabe Ouasir : ministre ), au titre à résonance religieuse, était bientôt chargé de réorganiser une administration qui avait tendance à proliférer. Celle-ci comprenait des secrétaires (kuttab ) répartis en deux clans : les chrétiens nestoriens liés au sunnisme et défenseurs de l?autorité du calife, et les musulmans shi?ites tablant au contraire sur la faiblesse du souverain. L?armée, composée de Khorassaniens fidèles au souverain et aux Arabes, était un autre pilier de l?Etat. Ceux de ces derniers qui combattaient aux frontières étaient de plus en plus organisés selon un mode autonome et coupés de l?armée régulière proprement dite. Les autres, stationnés à l?intérieur du pays, étaient un élément de désordre et perdirent bientôt leur droit à pensions. C?était la fin du privilège ethnique arabe, résultat le plus sûr de la révolution. Les luttes extérieures furent limitées, les frontières de l?Islam étaient stabilisées après les grandes conquêtes omeyyades. Face à Byzance et aux Khazars les fronts bougèrent peu. La période abbasside fut marquée par un immense essor économique. Des échanges commerciaux intenses entre les différentes régions de l?empire et avec l?extérieur permettaient une division du travail poussée et des spécialisations locales ou régionales. Des richesses énormes s?accumulaient entre les mains des commerçants et des propriétaires fonciers. Les villes se développaient. L?Etat omeyyade où dominaient la caste militaire arabe et la propriété rurale se transforma en un empire urbain, cosmopolite, bureaucratique avec un secteur développé de capitalisme financier et commercial. Bagdad étant située dans l?ancien domaine sassanide, la tradition iranienne donna le ton à une vie sociale et culturelle où s?étalait le luxe le plus éblouissant. La littérature et l?art étaient alors à leur apogée. Les premiers califes Abbassides, Abu al-abbas as-Saffah (749-754), Abu Ga?far al-Mansour (754-775), al-Mahdi (775-785) et Harun ar-Ras?id (786-809) durent lutter pour défendre leur pouvoir contre les soulèvements révolutionnaires qui canalisaient les déceptions provoquées par l'aboutissement de la révolution et les «idéologisaient» en doctrines politico-religieuses au sein de multiples sectes. L?exécution d'Abu Muslim par Al Mansour marqua la rupture avec l?extrémisme. Les Kharidjites et, en Syrie, les partisans des Omeyyades fomentaient des troubles. Dans le milieu shi?ite déçu par la révolution menée au nom des Hachémites et accaparée par les Abbassides, un courant qui s?affirmait peu à peu reportait ses espoirs sur les descendants directs du Prophète par Fatima (Ali), déniant tout droit aux descendants de Abbas. En Iran, de nombreux mouvements apparaissaient qui mêlaient les revendications sociales, religieuses et d?égalité ethnique. L?empire perdit l?Occident. Dès 756, l?Espagne vit renaître un émirat indépendant où régnait un prince omeyyade. (à suivre...)