Parcours Poursuivant ses activités culturelles dans le cadre des soirées ramadanesques, la Bibliothèque nationale a organisé, vendredi, une rencontre littéraire autour de Zeïneb El-Mili, écrivaine, journaliste et artiste. Lors de cette veillée littéraire, Zeïneb El-Mili a retracé, dans un exposé marqué d?humour et chargé d?émotion, son passage à la télévision, sa venue à l'écriture et bien d?autres moments de sa vie professionnelle. «C?est grâce à mon père que j?ai appris à connaître le monde des livres et de l?écriture», dit-elle, ajoutant : «C?est lui qui m?a appris à entrer en contact avec le livre, à me familiariser avec pour aboutir plus tard à l?écriture. Mon père me demandait souvent de l?accompagner à sa bibliothèque, de m?installer à ses côtés et le voir vaquer à ses occupations intellectuelles. Je restais des heures à le regarder travailler, lire et écrire. Je le regardais ainsi jusqu?au jour où j?ai commencé, moi aussi, à approcher les livres et à me livrer à l?écriture.» Zeïneb El-Mili est élevée dans un environnement familial conservateur, à cheval sur les traditions religieuses et les habitudes sociales, mais en même temps une famille ouverte sur le savoir. Elle se limite d?abord à l?étude de la théologie «et grâce à mon père, j?ai pu acquérir un savoir important dans ce domaine», déclare-t-elle. Et de souligner : «J?était devenue l?intermédiaires entre mon père et les préoccupations des femmes en matière de religion», sachant que son père était versé dans le fiqh (jurisprudence). Plus tard, Zeïneb El-Mili élargit son champ d?action et d?investigation : elle passe aux revues et magazines ayant trait à la culture, à la sociologie et même à la politique. Elle dit : «J?étais avide d?enrichir et de compléter mes connaissances, de consolider mon savoir. J?ai fini même par collaborer dans des revues égyptiennes, tunisiennes et même algériennes, à l?exemple de Echouâla qui était sous la direction de Réda Houhou.» Zeïneb El-Mili a commencé à collaborer à des magazines et revues dans les années 1950, durant la Guerre de Libération nationale. A l?époque, une femme instruite était très rare, et que son nom, un nom de femme, paraisse dans des revues était impensable, un déshonneur pour la famille. «J?étais contrainte à prendre un pseudonyme afin de rester dans l?anonymat», confie-t-elle. Et d?ajouter : «J?ai rencontré de nombreuses entraves de la part de mon entourage, sauf de mon père. On voulait m?interdire de pratiquer l?écriture et m?obliger à rester à la maison sous prétexte que j?étais issue d?une famille conservatrice, jalouse de ses traditions et sa culture ancestrale.» Mais Zeïneb El-Mili, obstinée, rebelle et déterminée, consciente du rôle important qu?elle doit jouer au sein de la société en tant que femme, aussi bien dans son émancipation que dans son évolution, résiste et fait face aux menaces et intimidations. Pour afficher son refus catégorique d?une mentalité stérile et archaïque et son désir de s?émanciper, elle ôte le haïk (voile) et se montre le visage découvert. Ensuite, elle parle de son expérience en tant que journaliste à la télévision où elle dit qu?elle a rencontré également de nombreuses difficultés. «J?étais souvent confrontée à la censure», évoque-t-elle, ajoutant que «certains décideurs voulaient m?écarter en me proposant une émission pour enfants», sous prétexte qu?elle est une mère. Elle évoque également les conflits entre écrivains francophones et arabophones qui divisaient les intellectuels algériens en deux camps rivaux, et elle était au milieu. Zeïneb El-Mili, diplômée en sciences de la communication puis de l?école des beaux-arts, a travaillé comme journaliste à la radio et à la télévision. Ensuite, elle devient directrice de publication de la revue de la Chambre de commerce et de celle de la Radio et de la télévision. Elle a, par ailleurs, édité plusieurs études sur les us et coutumes algériens parus dans des revues libanaises et dans la revue de la Radio et télévision algérienne. Elle a écrit de nombreux articles sur l?état de la culture en Algérie, parus dans El Moudjahid, Echaâb et Ethaqafa. Des études sur la poésie arabe viennent compléter son palmarès. Elle a tenu quatre expositions : les deux premières à Alger (1987 et 1990), les deux autres à Paris (1987 et 1988). Zeïneb El-Mili a édité deux livres : Mariées d?Algérie paru en 2002 aux éditions égyptiennes Dar Echourouq, et Traces d?anges paru en 2003 aux éditions françaises L?Harmattan. De par son parcours de combattante semé d?embûches et de luttes incessantes, Zeïneb El-Mili est une figure de proue de la culture algérienne. Elle travaille à prospecter dans le patrimoine ancestral, l?exhumer, le préservant ainsi de l?oubli, de la déperdition. Elle a marqué son époque.