Au début du XIIIe siècle, le Maghreb était encore soumis à la domination unique des souverains almohades du Maroc qui déléguaient une partie de leurs pouvoirs à des gouverneurs. Celui de l'Ifriqiyya (c'est-à-dire la Tunisie actuelle, l'Algérie orientale et la Tripolitaine) fut, de 1207 à 1221, Abou Mohamed ben Abi Hafs, fils du cheikh Abou Hafs qui avait été un des compagnons les plus valeureux d'Ibn Toumert, le fondateur de la dynastie almohade. Le petit-fils et successeur de Abou Mohamed, lui aussi gouverneur de l'Ifriqiyya, fut éliminé en 1228 par un de ses parents, Abou Zakaria Yahia, qui, en décembre 1229, rompit avec le souverain almohade et se proclama émir indépendant, consacrant ainsi la partition de l'Etat almohade, désormais divisé en trois : le royaume de Fès, le royaume de Tlemcen et le royaume de Tunis. Abou Zakaria, homme énergique, étendit les limites de son État en soumettant l'Algérie médiane, allant même jusqu'à imposer sa suzeraineté au royaume de Tlemcen, au Maroc septentrional et à l'Espagne des Nasrides de Grenade. Sa capitale, Tunis, fut largement dotée d'édifices religieux et administratifs et devint un grand centre commercial ayant des relations avec la Catalogne, la Provence et les cités marchandes italiennes ; les communautés chrétiennes de ces pays se développèrent à Tunis ; Abou Zakaria entretint des rapports cordiaux avec le roi d'Aragon, cependant que des musulmans d'Espagne (les Andalous) venaient s'installer en Ifriqiyya. Le souverain suivant, Abou Abd Allah Mohamed (1249-1277), se proclama calife en 1255 et continua la politique dynamique de son père. C'est durant son règne qu'eut lieu la seconde croisade de Saint Louis qui se solda par un échec. Débarqué à Carthage, le roi mourut de la peste au milieu de son armée décimée par la maladie en 1270. Cependant, les relations avec les puissances chrétiennes demeurèrent très bonnes ; de son vivant, Abou Abd Allah Mohamed connut un grand prestige. Sa mort fut suivie d'une période de troubles durant quarante ans. Aux attaques menées par l'Aragon après 1280 s'ajoutèrent des révoltes internes qui détachèrent le Sud tunisien et la Tripolitaine de l'autorité hafside ; puis le Sud-constantinois fut contrôlé par l'émir de Béjaïa) qui se rendit pratiquement indépendant (1294). Les deux Etats hafsides (Tunis et Béjaïa) connurent ensuite des alternances de rapprochement, voire de fusion, et d'hostilité, jusqu'au moment où Abou Yahia Abou Bakr (1318-1346) refit l'unité de l'Etat hafside ; mais il se heurta à de nombreuses rébellions internes et surtout à l'influence grandissante à l'ouest du royaume mérinide de Fès qui avait absorbé le royaume de Tlemcen et l'Algérie centrale. Peu après la mort d'Abou Bakr, son gendre, le Mérinide Aboul Hassan, s'empara de l'Ifriqiyya (1347) dont il fut chassé par une révolte générale en 1349-1350. Mais les divisions parmi les Hafsides favorisèrent une deuxième conquête de l'Ifriqiyya par Abou Inan Faris, fils d'Aboul Hassan, de 1352 à 1358, qui se termina de façon aussi désastreuse que la première. l'Etat hafside fut alors à nouveau divisé en trois (Tunis, Béjaïa), Constantine), puis en deux, Béjaïa) et Constantine passant sous la même autorité (1366), et finalement réunifié par Aboul Abbas (1370-1394). Celui-ci, brillant souverain, sut consolider son royaume, reconquérir les territoires perdus et développer les activités maritimes et commerciales de son Etat, en dépit des difficultés dues aux pirates hafsides et à une expédition franco-génoise contre Mahdia (1390). Des relations amicales furent établies avec les républiques italiennes ; celles-ci possédaient des colonies installées dans des fondouks, jouissaient de la présence de consuls représentant la métropole et participaient au commerce dont le sultan hafside tirait de grands revenus grâce aux droits de douane. (à suivre...)