Combien sont-ils encore à avouer leur amour pour le meilleur ami de l?esprit, le livre ? Peu, vraiment peu. Curieusement, c?est au moment où les échanges commerciaux connaissent un net regain que la lecture en Algérie connaît son niveau le plus bas. Les Algériens fréquentent rarement les librairies ou les bibliothèques. Même les étudiants, censés être de grands consommateurs de livres, ne font pas exception. «Je ne lis pratiquement rien en dehors des ouvrages en relation avec mes études», dit Sofiane, étudiant en sciences politiques. Son ami Omar n?est pas plus porté sur la lecture : «Moi ! Il y a plus de deux ans que j?ai fini de lire mon dernier livre qui parlait de la politique américaine dans les pays du Golfe.» La plupart des gens rencontrés dans les librairies y étaient pour acheter un titre bien précis. «Je suis ici pour acheter un livre qui traite du droit commercial, ma spécialité à l?université. Je n?ai plus aucun goût à lire autre chose», raconte un étudiant rencontré dans une librairie. Mohamed, 33 ans, licencié en sciences islamiques, un grand amoureux des livres religieux, pense que c?est le manque des éditions en langue arabe qui fait reculer la lecture en Algérie. «Tous les jeunes qui ont moins de 30 ans ont fait l?école fondamentale en langue nationale et sont plus arabophones que francophones. En dehors des ouvrages religieux, les livres scientifiques et techniques sont rarement en langue arabe», explique-t-il. Kheiredine, 60 ans, retraité, licencié en psychologie et ex-directeur du personnel, avoue, quant à lui, une préférence pour les livres sur l?industrie. Pourquoi un tel choix ? «Pour le plaisir, j?aime la technologie»,affirme-t-il. Kheiredine a transmis l?amour de la lecture à sa fille : «Ma fille, universitaire, aime beaucoup lire, contrairement à mes deux garçons.» «Le prix des livres constitue un grand obstacle. Depuis une dizaine d?années, l?Etat ne subventionne plus le livre, c?est une affaire du secteur privé qui pratique des prix exorbitants et qui ne prend pas en considération les réalités du marché local ni le pouvoir d?achat de l?Algérien moyen», explique un éditeur privé. Une tournée dans les librairies conforte ce constat : un simple livre scientifique ou une encyclopédie coûte plus de? 2 000 DA, un manuel scolaire de grammaire française pour le primaire fait 270 DA. «Comment puis-je me permettre un livre à 3 000 DA, alors que ma bourse est de 2 700 DA ?», s?interroge un étudiant rencontré à l?OPU (Office des publications universitaires).