Ecriture Il est important d?écrire aujourd?hui l?histoire séparément des témoignages oraux, d?où la nécessité de prendre en considération le fait oral dans la reconstitution de notre identité. Y a-t-il une relation d?interaction entre oralité et écriture ? L?Algérie représente encore une société traditionnelle où l?histoire et la culture, deux éléments fondateurs de notre identité millénaire, se sont transmises (et se transmettent) de génération en génération par voie orale. La tradition orale tient une place prépondérante au sein de notre société, une société qui, ayant subi (et subit), tout au long de son histoire, rupture, distorsion et travestissement causés par des facteurs extérieurs, est en train de se reconstituer comme telle avec toutes ses composantes et ses fonctionnements, et en tant que mémoire collective structurée, donc réhabilitée dans ses moindres détails. Il va sans dire que la question de l?oralité se pose aujourd?hui en termes de réflexion et d?analyse de l?histoire. Le témoignage oral, longtemps considéré comme infructueux pour être indéterminé et variable, s?avère un outil indispensable dans l?étude de l?histoire, un outil pour la collecte et l?archivage de notre mémoire, confronté à divers niveaux d?altération et de déperdition. Le témoignage oral vient compléter le domaine de l?écrit, là où l?écriture s?affaiblit et devient inopérante à défaut de matériaux et de témoignages. Car l?oralité aide à mieux connaître le discours historique non officiel, ce pan d?histoire occulté et non déclaré par l?institution. Et c?est grâce à l?oralité que l?identité algérienne, dont la composition est plurielle, a traversé les âges et a résisté aux vicissitudes du temps, de l?Histoire. Il est donc impossible d?écrire aujourd?hui l?histoire séparément des témoignages oraux, d?où la nécessité de prendre en considération le fait oral dans la reconstitution de notre patrimoine culturel et historique. Il faut archiver l?oralité, la consigner par écrit, ou encore à l?aide d?autres supports d?archivage afin de maintenir en vie les traditions culturelles et les coutumes sociales. Autrement dit, considérer le fait oral comme un outil privilégié pour l?accès à soi, à la mémoire ancestrale, contribuant à cet effet à préserver et véhiculer les acquis culturels et historiques de notre société. Si l?Algérie souffre d?un déficit identitaire, c?est parce qu?elle a négligé, en partie, le fait oral, le jugeant infondé et loin d?être authentique. Aujourd?hui, face à la montée galopante de la modernité, l?oralité, faisant référence à notre histoire et à notre culture, est vouée à disparaître ; à cet effet, il est urgent ? il s?agit d?une urgence culturelle et historique, donc identitaire ? de mener avec une rigueur scientifique l?entreprise méthodologique d?archivage (tous supports confondus, écrit et audiovisuel) de tous les témoignages oraux, permettant la reconstitution sans défaut et l?enrichissement de notre intellectualité, voire sa réhabilitation, créant ainsi un champ d?étude et d?action en vue de favoriser la conservation des témoignages oraux. Parce que le fait oral présente des limites et des défaillances, il est confronté à la perdition, puisque la mémoire ne peut résister éternellement à l?oubli ; au fil des âges, elle finit par s?effilocher, se diluer et les détenteurs des témoignages oraux finissent par disparaître.