Ils amusent mais surtout instruisent, éduquent ou encore transmettent une spiritualité. Lors du Festival international des arts de l'Ahaggar, qui se tient jusqu'à samedi, les contes sont à l'honneur. « En plus de divertir, les contes ont plusieurs fonctions. Initiatiques, fantasmatiques et thérapeutiques. Toujours mis en valeur par des personnages féminins, comme dans les contes algériens. » Présente à Tamanrasset lors Festival international des arts de l'Ahaggar, qui se tient jusqu'à samedi, Mehadji Rahmouna, maître de conférences (en français à l'université d'Oran) et chercheuse au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle, est intervenue lors d'une conférence sur « le symbolique et le social dans les contes populaires algériens ». Le conte, ludique et interactif, a longtemps aidé les gens à s'instruire et à s'informer. Depuis des siècles, il se transmet d'une génération à une autre par le biais de cette tradition orale commune à tous les peuples. « Dans un conte, on ne fait pas que relater des actions qui se succèdent. On propose aussi un indicateur du mode de vie communautaire adopté », explique Sid Ali Allouch, sociologue et collecteur de contes algériens et africains. « Les contes expliquent la création d'une multitude d'univers physiques et souvent spirituels, qui dépassent le contexte folklorique et démontrent l'intérêt que l'on peut porter à la conservation des connaissances d'un peuple. Chez nous, les contes sont transmis par la grand-mère ou la mère, et exercent le même pouvoir sur l'auditoire qu'à leur création. » Les valeurs de la tradition orale ont toujours une intention éducative, il y a toujours un enseignement à tirer ou un principe de vie à inculquer, en particulier pour l'enfant, afin qu'il assimile tout ce qui se produit dans son environnement et qu'il le projette dans les actions de la vie quotidienne et dans son rapport avec la société. « La symbolique est utilisée pour transmettre les connaissances, c'est un fait, mais aussi pour donner un aperçu des comportements sociaux, insiste Sid Ali Allouch. Le héros est souvent vertueux et réussit à se sortir de toutes les situations susceptibles de le conduire à sa perte. Les anciens contes mettent en avant les animaux. Par exemple on attribue la sottise à l'âne, la ruse au renard, etc. Cette interactivité pousse l'auditoire à dépasser les sentiers du possible qui caractérise surtout la tradition orale africaine, longtemps dénigrée. » En effet, la tradition orale africaine a été victime de la pensée selon laquelle l'écrit était l'unique support intervenant dans la fixation des cultures et des civilisations. « En Afrique, les contes sont la preuve de l'existence de l'histoire africaine dans sa globalité et sa diversité, poursuit Sid Ali Allouch. Le mythe, la poésie, les proverbes, les devinettes, les épopées ou le chant sont autant de canaux de communication qui ont donné la préciosité des contes africains transmis par plusieurs voies et voix. » C'est connu, en Afrique, la transmission de la tradition est l'affaire de tout le monde, surtout si elle doit servir l'éducation des enfants. C'est ainsi que la famille est engagée dans le transfert des connaissances au même titre que les griots qui ont fasciné des générations d'enfants. « Le griot a de tout temps été considéré comme le détenteur de la parole et la mémoire du village. » Il a un rôle complexe, puisqu'il doit retenir les actions significatives de son temps, de son groupe ou de sa tribu. Les anciens lui confient cette mission qu'il restitue aux jeunes générations. Mais le griot ne fait pas que relater un conte, il le chante, joue de la musique, et théâtralise son histoire pour lui donner vie à chaque rassemblement dans le village. « Dans les sociétés africaines actuelles, on continue de faire appel aux griots pour des événements importants, tels que la reconstitution de la généalogie d'une famille ou les aventures d'un héros appartenant à cette même famille. » Enfin, le conte a aussi une fonction ésotérique, essentielle dans la transmission des anciennes spiritualités africaines, souvent méconnues et condamnées par l'étroitesse d'esprit. La tradition orale est un fil conducteur qui alimente les imaginaires et plus encore. Mehadji Rahmouna l'a rappelé : « L'oralité est le seul moyen de sauvegarder les caractéristiques culturelles d'une société ». Comme le disait l'écrivain et ethnologue malien Amadou Hampâté Bâ, « Chaque fois qu'un vieillard meurt en Afrique, c'est une bibliothèque qui brûle. »