Résumé de la 1re partie Septembre 1939. Dans une petite ville de Normandie, les villageois regardent l?affiche de la mobilisation générale. Devant une telle impossibilité, Barmeul s'esclaffe et prend à témoin ceux qui attendent leur tour. «Non, mais on rêve. Regarde-moi ça, c'est la pagaille... et c'est comme ça qu'on va gagner la guerre !» Appelé par un factionnaire, le capitaine arrive. On lui explique l'affaire. Encouragé par les rires des rappelés, Barmeul en rajoute : «Non, mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce que je suis, moi, alors ? Le pape ?» L'officier le rappelle à l'ordre : «Un peu de tenue, voulez-vous, on n'est pas au guignol, ici ! ? Au guignol ! Justement, on peut se poser la question. Un Barmeul Lucien né à cette date, de ces parents-là, ça ne peut être que moi. C'est encore une erreur des fonctionnaires. Tous des bons à rien. Pauvre France ! Si on arrive à Berlin avec eux, on aura de la chance !» Le public est ravi de l'intermède et rit de bon c?ur ; Barmeul se tape sur les cuisses d'hilarité jusqu'au moment où il se retrouve entouré de soldats en armes. Il comprend alors que si son numéro amuse les civils, il indispose nettement les militaires. Il se croyait encore civil, mais que son nom figure une fois ou deux sur le registre, il est déjà militaire. La preuve : «Allez, collez-moi ça au gnouf», a dit l'officier. C'est ainsi que malgré ses protestations véhémentes, quelques instants plus tard, le cordonnier se retrouve en prison. Et les choses vont se dérouler aussi curieusement qu'elles ont commencé par une sorte de logique absurde. Il faut dire, à la décharge de l'administration militaire, que le mauvais caractère de Barmeul Lucien ne simplifiera pas les choses, car il ne décolère pas. Il hurle dans son trou qu'«on» lui amène «ce Barmeul Lucien qui se prend pour lui». Qu'«on» l'amène «avec des godasses ce type, on verra bien lequel est le vrai cordonnier, non mais sans blague !» Justement, «on» ne l'amène pas tout de suite, car «on» a d'autres chats à fouetter. Et quelques jours plus tard, lorsque l'administration s'avise de pointer les rappelés, il y a bien un Barmeul Lucien affecté dans le secteur de la ligne Maginot, et un autre, celui qui est là en prison, et que, provisoirement, on nourrit sous le nom de Barmeul Lucien n°2. La tête de lard. Celui qui hurle à qui veut l'entendre que les fonctionnaires sont tous des... Les quelques supérieurs qui ont voulu clore le dossier sont ressortis de leurs entrevues avec le détenu complètement éc?urés : «Cet énergumène est dangereux. Avec ses propos antimilitaristes, il est de toute façon préférable de l'isoler.» De son côté, et sans être antimilitariste pour autant, l'énergumène en question se trouve bien mieux au chaud dans sa cellule que dans le froid humide d'une casemate de la ligne Maginot. L'autre Barmeul Lucien, vu ses qualités de cordonnier, a été versé le plus naturellement du monde à la distribution du courrier. Il est vrai qu'à l'intérieur des casemates, on n'use pas tellement de chaussures, soyons logiques. Et le temps passe. Pour Noël, Barmeul Lucien n°2 reçoit un colis des mains de sa s?ur venue le voir en compagnie de Barmeul père, qui proteste contre la détention arbitraire de son fils. Le lieutenant qui les reçoit, à défaut du commandant, lève les bras en signe d'impuissance. «Je sais bien ! On attend les conclusions de l'enquête. Qu'est-ce que vous voulez faire ? Demandez-lui déjà de se calmer, ça ira mieux pour son dossier et pour tout le monde !» Le 25 février, le cordonnier est convoqué enfin devant une commission d'enquête. Laquelle lui déclare le plus sérieusement du monde qu'il est bien Barmeul Lucien et que l'autre s'appelle en réalité FIambard Victor. En se servant de papiers égarés, il a usurpé l?identité du cordonnier, en 1935, pour se soustraire à des recherches à propos d'un meurtre. Arrivé à ce stade du récit, le capitaine marque un temps d'arrêt, échange un regard amusé avec ses collègues, puis enchaîne : «Il a épousé en 1937 Suzanne Vindard.» (à suivre...)