Interrogations «Peut-on aimer et partir en laissant derrière celui que l?on a vénéré un jour, sur le quai, esseulé, en train d?affronter les souffrances de la maladie. Si c?est cela aimer tout le monde sait le faire alors !» «Mohamed disait m?aimer. Le jour où je lui ai appris que j?étais diabétique, il est parti pour ne plus revenir ! Une semaine plus tard, il envoie ses parents pour rompre nos fiançailles. Je ne comprends pas une telle réaction. Certes, je suis malade, mais je suis une femme comme toutes les autres !», raconte Fahima. Une déception terrible qu?elle n?a pu surmonter que grâce à ses parents, en particulier sa mère. «C?est ma mère qui m?a encouragée à reprendre goût à la vie. J?avais presque perdu la vue tellement le choc était grand. J?ai été anéantie moralement et affectivement. Pourquoi nous prive-t-on d?amour ?» A 33 ans, c?est une belle femme. Un visage levantin qui sourit rarement. Des yeux noirs en amande et des cheveux noirs coupés à la garçonne. «Je ne suis pas mariée parce que je suis diabétique. Parfois, je me dis que j?ai le sida. Vous savez, j?accepte ma maladie, j?ai appris à vivre avec, mais je n?accepte pas le regard méprisant des autres, des hommes surtout.» Kamel est père de quatre enfants. Ce quadragénaire est insulino-dépendant depuis quelques années. «Au départ, je n?ai pas accepté ma maladie. Ce n?est pas facile de changer de rythme de vie du jour au lendemain, de se faire piquer au quotidien, de se priver de pas mal de choses. Je me voyais comme anormal alors que tous mes amis étaient normaux. Mais le plus dur est passé. Il faut affronter la maladie et ne pas la fuir.» Il se tait un moment, regarde avec tendresse son môme Yacine, âgé de quatre ans et confie : «Je vis pour mes enfants. J?essaie de suivre à la lettre le régime, mais je jure que ce n?est pas du gâteau avec des enfants à sa charge ! L?on ne peut pas tout se permettre, vous savez. Le traitement est déjà coûteux, tout comme le régime alimentaire imposé surtout avec le salaire minable d?un simple fonctionnaire !» Il n?est pas le seul, de nombreux diabétiques comme lui ne peuvent pas suivre le traitement adéquat et le régime prescrit, particulièrement ceux qui chôment ou ceux ayant à charge des familles nombreuses.