Cohabitation Il est heureux que sa mère ait trouvé elle-même une solution au problème qui la préoccupe. A trente-cinq ans, Larbi obéit à sa mère, Houria, comme un petit garçon de dix ans. Il faut dire qu?il est fils unique et que, depuis la mort de son père, il est le seul être qui lui reste. Il faut dire aussi qu?elle s?est saignée aux quatre veines pour l?élever et lui donner une éducation. Si aujourd?hui, il est cadre supérieur dans une grande entreprise, c?est bien grâce à elle. La pauvre a travaillé dur, balayant et faisant le parterre des autres, elle a cousu, roulé du couscous, courbé l?échine, mais elle a atteint son objectif : faire de Larbi un homme. Dès qu?il a commencé à travailler, elle a arrêté. Larbi gagne bien sa vie et il ne manque pas de gâter sa mère. ? Cette robe, ces chaussures sont pour toi, lui dit-il, en lui remettant régulièrement des petits cadeaux. ? J?ai des robes et des chaussures, répond la brave femme. Garde ton argent ! ? Je veux te faire plaisir, répond-il. ? Mon plaisir est que tu sois toi-même à l?aise ! Un jour, alors qu?il vient de lui donner une gâterie, elle le regarde et soupire. ? Hélas, hélas ! Et elle se met aussitôt à pleurer ; ? Qu?y a-t-il ?, demande-t-il, alarmé. As-tu mal quelque part ? ? Non, non, dit-elle, je ne souffre d?aucun mal ! ? Alors, ai-je fait ou dit quelque chose qui t?a offensée ? ? Non, non, répond-elle. ? Alors, dis-moi ce qui se passe ! Elle secoue la tête et se met à pleurer, avec bruit. Larbi est bouleversé. Il la prend dans ses bras et la serre contre lui. ? Je t?en supplie, dis-moi ce que tu as ! ? J?ai peur, j?ai peur !, lâche-t-elle. ? Peur ? Mais de quoi ? ? J?ai peur que tu m?abandonnes un jour ! Il la regarde avec surprise. ? T?abandonner ? Mais qui t?a mis cette idée en tête ? Elle soupire et s?essuie les yeux. ? Je me suis rendu compte que tu as trente-cinq et qu?il va falloir que tu te maries? ? Si c?est cela qui te chagrine, dit Larbi, je ne me marierai pas ! ? Non, non, mon fils, tu dois te marier, me donner des petits-enfants qui perpétueront le nom de la famille ! Mais j?ai peur que la femme que tu choisiras ne me fasse des misères ou qu?elle te pousse à m?abandonner? Tu sais, les femmes d?aujourd?hui ne veulent pas vivre avec leur belle-mère? ? Celle que j?épouserai vivra avec toi, sinon, je la renverrai chez ses parents ! Houria secoue la tête. ? J?en doute, mon petit, à moins que ce ne soit moi qui te la choisisse? ? Bien sûr que c?est toi qui la choisiras, dit Larbi, heureux que sa mère trouve une solution qui lui convienne. (à suivre...)