Ruse Le chacal aimait beaucoup les coquillages et les crabes. Quand il eut mangé tous ceux qui se trouvaient de son côté du fleuve, il pensa qu'il devait y en avoir beaucoup de l'autre côté. Le fleuve était trop large et le courant trop fort pour qu'il pût le traverser à la nage. Il y songea longtemps et, un jour, il alla trouver son camarade le chameau. ? Frère chameau, dit-il, je connais un endroit où il y a de fameuses cannes à sucre ; je te le montrerai si tu veux m?y porter. ? Avec plaisir, dit le chameau, qui aimait beaucoup la canne à sucre. Où est-ce ? ? Oh ! De l'autre côté de la rivière, dit le petit chacal, mais si je monte sur ton dos, nous y arriverons facilement. Le chameau ne demandait pas mieux. Le petit chacal grimpa sur son dos, entre les deux bosses, et le chameau traversa la rivière à la nage. Quand ils furent sur l?autre bord, le petit chacal sauta à terre, indiqua au chameau le champ de cannes à sucre et courut vers la rivière pour chercher des crabes, pendant que le chameau se régalait sans penser à rien. Le petit chacal fut rassasié avant que le chameau eût seulement mâché trois cannes à sucre. Petit chacal n'avait pas la moindre envie d'attendre que son camarade eût fini et il se mit à courir tout autour du champ en glapissant et en faisant un grand bruit. Les villageois l'entendirent. ? Il y a un chacal dans le champ de cannes à sucre, dirent-ils. Il va faire des trous et abîmer toute la récolte, il faut l?en chasser. Ils arrivèrent en hâte avec des pierres et des bâtons et ne virent point de chacal ; rien qu'un grand chameau qui croquait tranquillement les roseaux sucrés. Ils lui jetèrent des pierres, le frappèrent avec leurs bâtons et l?en sortirent à moitié assommé. Quand les villageois furent partis, le petit chacal arriva en dansant et dit à son compagnon : ? Il faut s'en aller, maintenant. ? Bien, je te retiens, dit le chameau ; en voilà un camarade ! Quelle idée de japper et de sauter comme cela ? ? Oh ! je ne sais pas, dit le chacal. C'est une habitude que j'ai comme ça, de chanter après dîner. ? Ah ?, dit le chameau. Très bien. Rentrons chez nous, maintenant. Il laissa le chacal grimper sur son dos et entra dans l'eau. Quand il fut à mi-chemin, au milieu de la rivière, il s'arrêta et dit : ? Chacal ? ? Quoi ?, dit le petit chacal. ? J'ai une drôle d'envie, reprit le chameau. Je crois que je vais me rouler dans l'eau. ? Te rouler ?, cria le chacal. Ne fais pas ça, frère, tu vas me noyer ! Pourquoi veux-tu te rouler ? ? Oh ! je ne sais pas, répondit le chameau. C?est une habitude que j'ai comme ça, de me rouler après le dîner ! Il se roula donc, et le petit chacal tomba dans l'eau et faillit se noyer ! Il eut toutes les peines du monde à gagner le bord. Mais le chameau revint tranquillement à la maison et ne voulut plus jamais lui parler.