Portrait Ahcen, 38 ans, est chômeur et sans espoir. Il a grandi à la cité Sonatro. «Je connais cette colline dans ses moindres recoins», dit-il pour signifier qu'il est «oulid el houma». Avec amertume, Ahcen Belhout se remémore le drame d?il y a quelques jours. «Nous sommes abattus, vraiment, nous ne savons pas dans quelle catégorie les autorités nous classent.» C?est l?expression d?un sentiment de lassitude qui s'est emparé de la majorité des habitants de ce quartier. Sa demeure «provisoire» qui dure depuis une éternité, est l?une des baraques qui s?alignent ici formant une ceinture autour de la Carrière Jobert et donnant l?impression d?avoir poussé, naturellement, au milieu des plantes sauvages. Malgré tout, une chaleur conviviale et accueillante enveloppe la famille dont les membres tentent de vivre normalement. La baraque a été construite par le père de famille qui a longtemps travaillé dans la Carrière Jobert où il a passé sa vie à extraire la pierre des entrailles de la terre. Montrant l'immense chantier et les collines environnantes, le vieux, qui garde intacts les souvenirs d?une vie faite de risques et d?abnégation, déclare : «J'ai passé une grande partie de ma vie dans ce chantier. Aujourd'hui, je suis retraité et je ne touche que 6 000 DA.» Entouré de ses enfants et petits-enfants, il continue : «Le lieu où j'habite en ce moment avec ma famille, ce sont mes collègues et moi-même qui l'avons rempli de terre et autres pierres que nous dégagions de la carrière, mais je ne savais pas qu'un jour j'habiterai ici.» Il continue : «Cet endroit est dangereux à cause du calcaire et puis il existe plusieurs sources d'eau qui le fragilisent davantage.» Il montre des habitations qui surplombent la carrière. C'est le village Sillasse. «Les plus chanceux de mes collègues habitent là-bas», précise-t-il. «Nous autres, les petits, nous n'avions pas de chance, c'est pourquoi chacun de nous s'est installé comme il pouvait, en construisant des baraques de fortune.» Son fils Ahcen reprend la parole en montrant la baraque : «Voilà sa récompense.» «Au début, nous habitions à Diar El-Kaf», précise Ahcen. Son père reprend : «Avec le temps, la famille grandissait et les lieux devenaient étroits. Alors, j'ai décidé de construire une baraque ici.» La famille Belhout rejette l?idée selon laquelle les habitants de ce bidonville sont nouveaux dans le quartier. «J'ai trente-huit ans et je suis né ici.» «Où voulez-vous que je parte ?», s?interroge Ahcen, avec une note de colère. Le père, plus calme, ajoute : «J'espère que les autorités vont prendre en considération nos doléances. Nous ne demandons pas grand-chose, nous voulons seulement qu'elles nous éloignent des dangers qui nous guettent ici. Car il y a péril en la demeure. Dans le cas d'une forte pluviométrie, nous risquons tous de mourir.»