Image 8 mars 2005. Il est 5h. Zouleikha met la petite Media sur ses genoux et commence à préparer les fiches de cours pour la journée. D?habitude, cette enseignante à l?école primaire prépare sept à huit fiches. Puisqu?elle ne travaille pas cet après-midi, elle ne prépare que celles de la matinée qu?elle doit avoir finies avant 7h pour avoir le temps de préparer le petit-déjeuner et les enfants pour l?école. Elle allume une torche pour ne pas réveiller son mari et ses trois enfants qui dorment tous dans la même chambre. La deuxième dont dispose la famille est vide mais n?a ni porte ni fenêtres depuis près de huit ans. Son mari, pourtant menuisier, ne veut pas s?en occuper. «La modeste maison où j?habite était pendant longtemps en ciment, sans plafond ni électricité. Pendant les vacances de l?été dernier, j?ai acheté quelques matériaux et j?ai demandé à mon frère de me bricoler un plafond et une porte. Il a pu régler aussi le problème d?électricité, mais je n?ai toujours pas d?eau. J?en apporte quotidiennement de chez des voisins après l?école. C?est moi qui ai badigeonné les murs à la chaux», déclare Zouleikha. Avec tout cela, il lui arrive d?aller à l?école avec des bleus causés par son mari. «Depuis quelque temps, je souffre de troubles du sommeil et de mal-être. J?ai le sentiment d?être abandonnée», affirme-t- elle. «Je suis toujours sur les nerfs. Si j?enseigne encore, c?est par amour du métier et par besoin aussi?», s?écrie-t-elle. Zouleikha n?est pas la seule dans ce cas. Nombreuses sont les femmes qui endurent la violence à la maison avant de tenter enseigner le civisme à des élèves qui eux-mêmes ne manquent pas de les agresser. «Plusieurs fois, j?ai quitté la classe sous les insultes à voix basse de mes élèves, mais je fais la sourde oreille non pas par peur, mais par respect pour l?enceinte de l?école. Mais cela m?empêche de trouver le sommeil», affirme Fatma-Zohra. Toutes les enseignantes se plaignent du climat instable qui règne dans l?établissement, selon l?interlocutrice. «Je n?oublierai jamais l?image d?une collègue qui a dû filer par une autre issue, pour fuir ses élèves qui l?attendaient à la sortie de l?école ni celle d?une autre collègue qui courait dans la cour pour fuir un chien lâché à ses trousses par ses élèves qui voulaient rire. Enseigner est devenu une dure mission», ajoute-t-elle. «J?ai mis une croix sur le secteur de l?éducation», dit une autre enseignante. «Cette profession que j?ai tant aimée m?a stressée.» Les enseignantes déplorent le fait que dans leur majorité, «les parents ne s?inquiètent de leurs enfants qu?après de mauvais résultats, d?autres disent qu?ils sont dépassés et qu?ils n?ont aucune autorité sur eux. C?est à nous de les éduquer, mais s?ils ne l?ont pas été dès leur plus jeune âge, comment pourrais-je le faire ? Comment demander à une enseignante de préparer ses cours quand elle est battue ou qu?elle vit dans des conditions lamentables ?», s?interrogent-elles. «Un jour, j?étais de permanence, un parent d?élève est venu demander après une collègue pour, disait-il, la tuer, car son fils n?avait pas voulu aller à l?école ce matin-là. Je l?ai supplié de se calmer et je lui ai menti en lui disant qu?elle n?était pas là. A cette enseignante, qui s?occupe de son mari handicapé, je n?ai jamais parlé de cela, de peur qu?elle ne revienne plus au travail» déclare F. K.