Décision Le chef de l'Etat égyptien a annoncé la première élection présidentielle multipartite au suffrage universel direct. C?est un coup de maître qui rapporte beaucoup sans coûter grand-chose. Hosni Moubarak a créé la surprise, il y a quelques semaines, en demandant au Parlement égyptien de réviser la Constitution avant le mois de mai, afin de permettre la tenue d'une élection présidentielle multipartite au suffrage universel direct en septembre prochain, au lieu du traditionnel référendum-plébiscite. Un geste unanimement qualifié d'«historique» par l'ensemble de la classe politique, la presse et les analystes. Jusqu'alors, le président était élu par référendum autour d'un candidat unique, proposé par le Parlement. Hosni Moubarak, dont le Parti national démocratique (PND) détient plus de 80% des sièges à l'Assemblée du peuple, a ainsi déjà cumulé quatre mandats de six ans. Lui, qui a toujours été seul candidat à sa succession ? et chaque fois réélu avec plus de 90 % des voix ? vient donc d'accorder à l'opposition ce qu'elle réclame depuis toujours. Cette décision est certes à mettre au crédit des nombreuses pressions qui pèsent actuellement sur le raïs égyptien, âgé de 76 ans. Pressions internes, tout d'abord. Depuis plusieurs mois, en effet, la contestation politique a pris une ampleur importante, encouragée par les appels américains à la démocratisation du Proche-Orient. Symbole de cette contestation, le mouvement Kifaya !, littéralement «assez !», et ses slogans- chocs : «Moubarak, despote !» ou «non à l'héritage du pouvoir», scandés lors de manifestations de plus en plus fréquentes. Composé de groupes d'obédiences diverses allant du marxisme à l'islamisme, Kifaya ! mène campagne contre un nouveau mandat de Hosni Moubarak et les velléités présumées du président de préparer son fils Gamal, 41 ans, à sa succession. Parallèlement, l'Egypte est sous le feu des critiques de Washington après l'incarcération, il y a plus d?un mois, d'Ayman Nour. Leader du nouveau parti libéral d'opposition Al-Ghad, il est accusé d'avoir falsifié des signatures de soutien lors de la création de son parti, ce qu'il nie. Son emprisonnement a suscité une féroce croisade anti-Moubarak dans la presse américaine, notamment dans le Washington Post. Cette arrestation a aussi brutalement interrompu la lune de miel entre les Etats-Unis et Le Caire, pourtant consolidée par la politique de la main tendue à Ariel Sharon entamée par Moubarak après la mort de Yasser Arafat. Certains analystes supposent ainsi que la décision de Hosni Moubarak tend à calmer la colère américaine et pourrait préfigurer la libération rapide de l'opposant. Enfin, le contexte régional ? élections en Palestine, en Irak, en Arabie saoudite, vent de contestation au Liban ? participe aux pressions sur l'Egypte, le plus grand pays arabe.