Rétrospective Lucio Guerrato, chef de la délégation de la Commission européenne à Alger, a animé, à l?Institut culturel italien, lundi, une conférence intitulée : «Les eunuques : quatre mille ans d?histoire». Il s?agit certes d?un sujet bien particulier, mais fort intéressant dans la mesure où l?intervenant retrace l?histoire des eunuques de l?Antiquité à nos jours. «L?on a souvent une vision classique des eunuques», explique-t-il. L?image que l?on a d?un eunuque, c?est un homme de couleur (noire) qui, posté telle une sentinelle devant une porte, (une frontière séparant le monde des femmes : les favorites du roi et celui des hommes, les «profanes») surveille les endroits intimes, uniquement accessibles au souverain. «Les eunuques sont à cheval entre deux mondes, celui des hommes et celui des femmes», explique le conférencier. Et d?ajouter : «Ils ne font partie ni de l?un ni de l?autre ; ils sont rejetés par les deux. Seuls, isolés, les eunuques sont à la fois chanceux parce qu?ils sont de fidèles serviteurs et malchanceux parce qu?ils ne peuvent pas procréer» car l?eunuque a subi une castration d?origine religieuse. Dans les anciennes religions orientales, il existait des divinités asexuées, c?était le cas de Osiris ou Ouranous. Ainsi les prêtres qui leur vouaient une adoration à se faisaient castrer pour rester purs et chastes. Les Grecs comme les Romains rejetaient et méprisaient la castration, mais cette pratique fut introduite à Rome où les eunuques devinrent à la mode. C?est sous le règne de l?empereur Claude que les castrats entrèrent dans la cour impériale. Plus tard, dans la cour de Byzance, les eunuques occupèrent une place privilégiée, jouissant d?un plus grand pouvoir civil, militaire et même religieux. Quant aux Arabes, eux, ils ne connaissaient pas les eunuques et la castration ne faisait pas partie de leurs m?urs. «Mais, avec les conquêtes et lorsqu?ils se sont sédentarisés, ils ont adopté les usages d?autres cultures», explique l?intervenant. C?est sous le règne du sultan El-Mansour, fondateur de la dynastie abasside, que les eunuques se multiplièrent dans les cours musulmanes. La castration refait surface, en Europe, à partir du XVIe siècle. Les castrats remplissaient d?autres fonctions. «Comme les femmes ne pouvaient chanter en public, des hommes se faisaient castrer pour obtenir une voix semblable à celle des femmes», souligne le conférencier. Et d?ajouter : «On les appelait les castrats d?opéra.» Ce type d?eunuques a disparu vers le début du XXe siècle. Mais les castrats existent même de nos jours. «En Inde, il existe des castrats vivant en communauté ; il s?agit d?une sous-caste», explique-t-il. L?on en déduit que la castration est un fait social obéissant à des pratiques culturelles ; elle définit un comportement et une fonction.