Sahnoun (VIIIe siècle) est le juriste et le théologien le plus célèbre du Maghreb : son ouvrage, la Mudawwana a été longuement étudié et appris dans les écoles, il a suscité aussi de nombreux disciples dont le fameux Abû Zayd al Qarawani, le Sidi Bouzid de la tradition maghrébine. Sahnoun, dans la tradition, c?est aussi un saint, voire un thaumaturge à qui on attribue des miracles. Il est un peu oublié aujourd?hui, mais la sagesse populaire le maintient encore en vie, à travers un proverbe. Certains emploient d?ailleurs le proverbe sans savoir vraiment qui est le Sahnoun qui est évoqué. «Esser fi Sahnoun, dit le proverbe, maççi f noun !» (Le secret est dans Sahnoun pas dans la lettre noun !) On rapporte ? sans que les faits soient vérifiés ? que Sahnoun était sollicité par de nombreuses gens qui venaient lui demander de les guérir de leurs maladies. Ils lui faisaient pour cela des présents et l?homme s?exécutait : il prenait un morceau de papier et traçait dessus la lettre «n», en arabe, «noun». Et les malades qui portaient ce talisman étaient guéris. Un homme, voyant ce moyen de guérir très lucratif, voulut imiter le juriste. Il se mit, lui aussi, à écrire des amulettes en traçant, comme Sahnoun, un «noun» sur le bout de papier qu?il remettait à ses clients. Mais ceux-ci, contrairement aux clients de Sahnoun, ne guérissaient pas et de ce fait protestaient. L?homme demande alors au juriste de lui expliquer pourquoi son «noun» guérit les maladies et pas le sien. Sahnoun lui fait alors la réponse rapportée par le proverbe que l?on cite pour dire que l?efficacité d?un procédé ne tient pas au procédé lui-même mais à celui qui l?utilise, c?est-à-dire à sa personnalité.