A Béjaïa, Chou'ayb, le futur Sidi Boumediene, est heureux de retrouver des compatriotes andalous. On vient le solliciter pour donner des cours mais il refuse : «Je veux me consacrer entièrement à la dévotion, dit-il, je veux vivre dans la solitude.» Mais voilà qu'un étudiant fait un rêve où il est ordonné au mystique d'enseigner. «J'ai entendu comme une voix qui clamait : ‘'Pourquoi Abû Madyan refuse-t-il d'enseigner ? Sa tâche n'est-elle pas aussi de diffuser la sagesse dont il est le dépositaire ?» Croyant à la force du rêve, il décide de répondre à l'appel. Si son enseignement lui attire des foules, il provoque l'hostilité des juristes, les foqqahas, qui s'attachent à la lettre au Coran et rejettent les doctrines mystiques. Les juristes se concertent. «Comment peut-il s'opposer à notre enseignement ? Cet étranger nous porte ombrage, ses doctrines sont dangereuses !» Certains pensent même lui intimer l'ordre de quitter la ville et menacent de le chasser s'il refuse de partir, mais on recule devant son succès et ses nombreux disciples. C'est, en outre, un homme pieux qu'on ne peut calomnier. Ibn Arabi, un autre fameux mystique andalou, qui semble avoir rencontré Abu Madyan et même avoir été on disciple, dit le plus grand bien de lui.