Révolte Le célèbre poète troubadour amazigh Si Mohand Ou M'hand était d?un tempérament réfractaire. Sa poésie cristallise ce trait de caractère. La révolution d'El-Mokrani (1871), celle des paysans comme certains l'appellent, avait constitué, de par ses incidences sur la vie de Si Mohand Ou M?hand, un facteur déterminant dans le façonnage de la personnalité de ce poète et particulièrement dans sa vocation de poète rebelle contre les institutions en place à cette époque, selon Hamid Bouhabib, professeur de littérature populaire à l'Université de Béjaïa. En refusant la fonction d'écrivain attaché à l'administration coloniale que cette dernière lui proposait, Si Mohand Ou M'hand, qui jouit d'une place sacrée dans la mémoire collective kabyle, exprimait sa résistance vis-à-vis de toute l'institution coloniale au même titre que son refus de porter une carte d'identité, imposée par cette administration durant toute sa vie, était perçu comme la non-reconnaissance par lui de l'ordre colonial établi, a précisé M. Bouhabib. Cet état d'esprit émerge à travers les quelque 300 poèmes répertoriés de Mohand Ou M'hand où le mot «France» ou même l'utilisation d'un simple mot en français est totalement absent, comme l'avait noté le défunt Mouloud Mammeri dans une étude sur sa poésie, a révélé l'intervenant. L'institution religieuse n'a pas non plus été à l'abri de ses critiques acerbes, après avoir constaté que ses dirigeants vivaient en bonne intelligence avec l'ordre colonial, après l'échec de la révolution du Cheikh Haddad pourtant proclamée à partir de la zaouïa. Le professeur dit avoir répertorié une soixantaine de poèmes où le poète traçait un parallèle pertinent entre «l'époque heureuse d'antan et celle malheureuse d'aujourd'hui» pour décrire l'état de désespoir dans lequel il se trouvait, ainsi que son pays. La communauté juive autochtone a été sévèrement dénoncée par Si Mohand pour avoir accepté la loi Crémieux qui lui octroyait la nationalité de l'occupant et de s'être retournée contre sa famille algérienne en se mettant du côté de l'envahisseur pour des objectifs purement mercantiles, a-t-il ajouté. Si Mohand Ou M'hand était un voyageur infatigable. Il a vécu un certain temps à Tunis, puis à Annaba, et disait des poèmes dans lesquels il faisait une description détaillée de la vie des gens et des misères qu'ils vivaient. Il avait composé également en arabe à l'intention de ses amis, à Annaba, a conclu le professeur, qui considère qu'au-delà de son héritage poétique et des mythes tissés autour de son personnage, Si Mohand Ou M'hand est «un référent dans notre quête identitaire».