Expression L?approche du personnage de la femme diffère d?un artiste à l?autre, d?une aire culturelle à une autre. De tout temps, la femme a occupé ? et occupe ? une place essentielle dans la production picturale où elle offre à l?artiste un riche choix thématique. Elle est ? et reste ? source d?inspiration, modèle, moteur de création. Elle suggère à l?artiste moult impressions ? et l?invite à réfléchir sur son personnage. Elle alimente son imaginaire, guide son geste en fixant la conduite à tenir, la trajectoire à accomplir, la voie à prendre. Le geste ponctue, exécute, trace l?espace. L?approche du personnage de la femme diffère cependant d?un artiste à l?autre, d?une aire culturelle à l?autre ; chacun perçoit la femme selon son inspiration et sa sensibilité, voire l?expérience qu?il entretient avec elle. Dans la peinture algérienne, il y a des peintres, comme M?hamed Issiakhem, qui, fortement marqués par l?image de ce personnage si particulier, ?uvraient, dans un souci de vérité, à représenter la femme sans fard, dans un réalisme saisissant, poignant, dans une tragédie mélancolique, suscitant ainsi une lecture racontant son vécu. Attendri par ce qu?il a vu et vécu, M?hamed Issiakhem éprouvait la nécessité de transposer dans ses tableaux cette réalité émotive qui l?a tant marqué dans son enfance. Dans ce travail de transposition, point de transfiguration ni d?émerveillement. Avec lui, l?on n?est pas dans une atmosphère douce, suave, feutrée. L?on est dans la réalité. M?hamed Issiakhem s?empare de la toile. Il macule son fond de couleurs sombres ? «couleurs de nuit, couleurs de cendre?» ? en fait, des couleurs venant rendre l?émotion plus perceptible et plus intense. Ces couleurs révèlent le tempérament de l?artiste : un être nourri par une tristesse douce et lyrique mêlée à une misère qui s?écoule comme une triste litanie. C?est aussi un être sensible, paradoxalement déchiré, retenu et distant. Il est sensible à la condition de la femme ?thème récurrent dans ses peintures ? et y prête un fort intérêt. Dans la peinture de M?hamed Issiakhem, qui est d?un tempérament peu jovial, mélancolique, le personnage de la femme apparaît avec un air détaché, abattu, avec un visage pâle aux yeux vides et épuisés, qui regardent et s?estompent peu à peu ; aucun sourire ne vient se dessiner sur son visage et l?égayer, l?illuminer. Un visage terne. Elle apparaît avec un regard inexpressif, égaré, hagard ; regard où l?on peut lire seulement du désarroi et de l?amertume, mais aussi, paradoxalement, de la tendresse et de l?amour. C?est donc un personnage qui, réservé et en même temps malheureux, garde le silence et supporte le poids d?une existence. C?est un personnage effacé, perdu dans ses malheurs, son drame quotidien. La femme apparaît debout, statufiée, seule ou bien en groupe, laissant voir à travers ses traits cette misère qui l?a usée au fil du temps, et qu?elle endure, longtemps, à jamais, journellement, et qui ne le dit pas. Ainsi, M?hamed Issiakhem peignait la femme différemment de ses contemporains et même des autres peintres, ceux qui nourrissent ? et nourrissaient ? un fantasme envers la femme. Mais de quelle femme s?agissait-il ? Il ne s?agissait, en fait, ni d?une amie ni d?une amante, mais d?une mère dépourvue de soutien social ou familial ; d?ailleurs, dans quelques tableaux, comme La Mendiante, Maternité, Femme à l?enfant, Femme sur poème, La Femme et l?enfant?, ce personnage apparaît en haillons, accompagné d?un enfant. Il illustre en outre ce lien existant entre la mère et l?enfant, un lien maternel. Une mère éprouvée par les vicissitudes du temps, meurtrie par l?indifférence des autres, harcelée par les tragédies humaines ; c?est une suppliciée, une damnée, une exclue, une abandonnée. Elle est seule, et seule, elle fait face à son destin ; en dépit de cela, elle reste sereine, stoïque et d?une beauté naturelle, noble, circonspecte.