Annaba a changé, elle n?est plus une ville coquette et tranquille. Un voyage nocturne dans le train Alger-Annaba, puis dans la région, nous bascule dans un autre monde, celui de l?insécurité, de la débauche et de la drogue. Vols, agressions, rixes entre gangs qui se livrent, en plein jour, des combats aux sabres, sont le lot quotidien de certaines cités. Ici, la jeunesse préfère conter sa mal vie, le chômage qui la ronge et cette pesante oisiveté qui rend? fou. Avez-vous déjà pris le «AT», train Alger-Annaba, le soir ? Une aventure nocturne que nous avons tentée avec les éléments de la Gendarmerie nationale et qui nous a permis de faire de nombreux constats. L?insécurité règne dans nos trains, les délinquants y trouvent un terrain favorable pour s?adonner à leur sale besogne : ils s?en prennent aux voyageurs, fument des joints, volent et agressent. Rares sont les familles ou les femmes qui osent prendre, la nuit, le «AT». Les portières de certaines couchettes ne ferment pas. Craignant les vols, les voyageurs ont tendance à les attacher avec des fils ou des sachets noués autour du poignet, accrochés à quelque chose de solide dans cette cabine lugubre, étroite et mal aérée. Nous avons également effectué, toujours en compagnie des gendarmes, une virée nocturne à Annaba. La situation est préoccupante, la délinquance prolifère dans cette wilaya, comme dans les autres régions du pays. Même si les amoureux et les familles peuvent toujours baguenauder tranquillement sur la corniche, la main dans la main, dans certains quartiers et cités, les rixes entre gangs avec des sabres (dit ici sebata) éclatent en plein jour, des couples sont attaqués et délestés, des vols à la tire sont recensés chaque jour. Les jeunes évoquent le chômage, les conditions socio-économiques et l?ennui. «Nous n?avons pas d?activité culturelle, nous sommes livrés à nous-mêmes. J?ai suivi des études de médecine, au bout de la deuxième année, j?ai abandonné, à quoi cela sert-il d?étudier dans ce bled ? Actuellement, je suis commerçant et je gagne bien ma vie», marmonne Mouncef, un jeune Annabi rencontré sur la Corniche. Ses amis, qui fument tranquillement un joint et boivent quelques bières sur la plage, parlent du même «calvaire». «J?ai mis une croix sur ce pays, je veux partir coûte que coûte, je n?ai pas trouvé de travail, je n?ai pas d?avenir, je veux quitter ce pays qui ne m?a rien donné. Trouvez-vous normal qu?un jeune de 20 ans ait ce genre de pensées alors qu?il commence à peine à faire ses premiers pas dans la vie ?», rétorque Chafik. Un peu plus loin, sur le sable, des bouteilles de bière vides, d?autres groupes de jeunes s?adonnent à la boisson.