Parutions Il a de tout temps joui d?une faculté extraordinaire, celle de disparaître et de réapparaître. Les enfants, qui jouaient bruyamment sur la placette du village, se turent brusquement et tournèrent presque en même temps la tête en direction de l?homme sans âge qui leur faisait face. Ce dernier semblait avoir surgi de nulle part. Engoncé dans une vieille qachabia à grosses rayures et les pieds nus, il était plongé maintenant dans une sorte de profonde méditation, ne prêtant attention à rien ni personne de tout ce qui l?entourait. D?un pas preste, il arpentait chaque mètre de la placette, décrivant un large cercle avant d?entamer la grande rue de Mechrouha. Les gens du village, les vieux surtout, le connaissent et savent qu?il ne faut pas le déranger quand il est dans cet état. Son histoire est des plus étranges Natif du village de Oued Cheham, une commune de la wilaya de Guelma, il a, de tout temps, fait preuve d?une faculté extraordinaire, celle de disparaître et de réapparaître on ne sait comment. Les automobilistes qui fréquentent assidûment la route nationale reliant Annaba à Souk-Ahras, disent qu?il les a souvent étonnés par sa rapidité de mouvement lorsqu?il marche. Certains affirment même qu?il va plus vite à pied que n?importe quel véhicule. Ce chauffeur de taxi déclare le plus sérieusement du monde que celui qu?on ne désigne plus autrement que par le sobriquet d?«El-Mahboul de Oued Cheham», a fait le trajet en moins de temps. Il se souvient que par une matinée particulièrement froide d?hiver, il avait dépassé l?homme à la sortie de Annaba, à hauteur de Sidi Brahim et qu?il n?en crut pas ses yeux lorsqu?il le vit marchant à hauteur de la trémie, à l?entrée de la ville de Souk-Ahras. Le chauffeur de taxi était d?autant plus étonné qu?«El-Mahboul» ne pouvait humainement pas faire à pied la centaine de kilomètres qui séparent les deux villes et qu?il a de tout temps refusé d?emprunter un véhicule quelconque malgré les nombreuses invitations que lui font les usagers de la route. Un autre, témoin, routier de son état, jure par tous les saints qu?il a, de ses yeux vu, «El-Mahboul» disparaître au détour d?un chemin de campagne à quelques mètres seulement de la route nationale. La scène se serait passée si vite, indique cet autre chauffeur, qu?on aurait cru à un enchantement. Pour le commun des habitants, notre homme ne serait pas maître de son destin et qu?il serait possédé par un «djin» qui a le pouvoir de le téléporter en quelque sorte d?un endroit à un autre en quelques secondes. Les esprits rationnels rejettent évidemment ces assertions et penchent plutôt pour une instabilité mentale qui pousserait irrésistiblement cet infatigable voyageur à errer tout le temps. Les «visions» qu?on prête à ceux qui témoignent d?un don d?ubiquité ne seraient que pure fantaisie.