Portrait Hamid, le Blidéen, fait partie de cette catégorie de personnes qui, en se levant le matin, n?a d?yeux que pour sa marchandise exposée au marché, de peur d?être détroussé par de petits et effrontés larcins. Hamid a 22 ans. Il est vendeur à la sauvette et il ne connaît pas le nom du wali de Blida, car cela n?a jamais été pour lui une «priorité». Quand on lui demande de commenter, à sa guise, l?affaire des scandales ayant secoué, en l?espace de quelques jours seulement, la ville des Roses, il assènera sans ambages : «Khatini.» C'est-à-dire, n?avoir de lien, ni de près ni de loin, avec les choses imbriquées et trop ambiguës de la politique. Ce jeune, qui a quitté les bancs de l?école à 15 ans pour une autre chose de «plus utiles» que les maths et la physique, se démène comme un diable pour ne pas rester sans le sou. L?essentiel, c?est de gagner sa vie comme il peut. «Il n?y a que ceux qui s?occupent de la politique qui connaissant le nom du wali, l?histoire de son fils et les scandales qui secouent la ville. Moi, toutes ces choses-là, ce n?est pas ma tasse de thé. Je vous l?ai dit, khatini.» Devant sa petite table sur laquelle sont disposés des jouets dans la très bruyante rue commerçante de Bab Dzaïr, Hamid, tee-shirt blanc, survêtement gris et coiffé d?une casquette comme n?importe quel autre jeune, guette les passants et n?oublie pas de faire avec ses yeux pleins de malice, le distinguo entre acheteurs et voleurs. «Même en te parlant, j?ai les yeux sur la marchandise», ajoute-t-il. La troisième catégorie qu?il faut impérativement guetter, ce sont évidemment les policiers. «Ils nous mènent la vie dure», reprend Hamid qui ne se soucie guère de l?autorité des hommes de loi. «Ici, les petits larcins font la loi.» Soupçonneux au moindre détail, il a peur pour sa marchandise, lui qui est forcé, à un âge précoce, de nourrir les membres de sa famille après la disparition, il y a trois ans, de son père, emporté à l?âge de 55 ans par un cancer du foie. Pour Hamid, Blida est une ville des affaires. «Vous voyez bien que je fais des affaires, non ?» «J?essaie de bien gagner ma vie même lorsqu?on a tout le temps la police à ses trousses», renchérit-il, lui qui se lève tôt le matin et à qui il arrive même d?oublier de faire sa toilette pour ne pas rater le J5 qui le ramène chaque jour de Bouarfa, un quartier populeux situé à la sortie sud de la ville des Roses. Son monde en vase clos, ce sont les petits détails de la vie : ventes de toutes sortes de gadgets selon l?argent disponible et selon la demande de la clientèle. «Je vends tout ce qui peut l?être, l?essentiel, c?est de ne pas rester les bras croisés», nous dit-il fièrement, avec un sourire en coin. Retour sur les affaires des scandales ! «Hanouni, je t?ai dit que je n?ai rien à voir avec la politique», conclut-il sobrement et fièrement.