Artiste n On savait tous qu?un jour ou l?autre, Ameur Benali, le charmeur des foules et capitaine du Mouloudia d?Alger, allait mettre fin à sa carrière, mais jamais on pensait que cela allait se faire en queue de poisson. Les dirigeants du Mouloudia d?Alger ne savent-ils pas qu?avec le niveau actuel de notre championnat de football et la rareté des dépositaires du jeu qu?un joueur comme Benali a de beaux restes et qu?il est capable de rendre de grands services à son club ? Un club auquel il a tant donné durant une quinzaine d?années ou plus, mais qui, aujourd?hui, le lui rend mal. Du moins ses dirigeants qui ont décidé (car chez nous ce ne sont pas les techniciens qui le font) d?écarter celui qui a redonné espoir au peuple mouloudéen lors d?une soirée mémorable de Ligue des champions arabe des clubs face aux Saoudiens de l?Ittihad de Djedda, futurs vainqueurs de l?épreuve. Un but qui illustra parfaitement le poids et le rôle de ce joueur, capable d?un coup d?éclat ou d?un coup de génie à tout moment. Et comme les génies ne courent pas les rues, eh bien il faut songer sérieusement à les protéger des mauvais génies qui, eux, s?évertuent à tout gâcher. Hier, idolâtré par les foules, aujourd?hui Benali attend, devant la porte de la villa de Chéraga, siège du MCA, que ces sieurs daignent le recevoir ou l?informer de sa situation. Il y a une espèce d?inculture qui s?installe dans notre football, plus particulièrement chez nos dirigeants, celle du reniement et de l?ingratitude. De l?avis de plusieurs spécialistes, Benali avait accompli une bonne saison 2004/2005 où il a eu à s?illustrer à plusieurs reprises, que ce soit sur le terrain ou en dehors en assurant un ascendant discret sur son équipe en capitaine exemplaire et en bon meneur qu?il était. Rendre donc un artiste triste n?est pas la marque des grands. Et Benali l?est aujourd?hui, car ses dirigeants n?ont pas su gérer cet aspect humain, cette situation sensible de passer éventuellement de l?autre côté de la barrière. Il n?y a que ceux qui n?ont jamais joué au foot ou qui ne sont pas trempés dans sa passion qui ne savent pas que raccrocher ses campons, c?est mourir un peu. Chaque club, chaque équipe a besoin de leader, et ça Jean-Paul Rabier, l?ex-entraîneur des Vert et Rouge, l?avait vite compris en réhabilitant le rôle de Benali et son influence au sein du groupe des joueurs. Même si son volume de jeu n?est plus celui de ses vingt ans et que souvent certains lui reprochent une sorte de nonchalance ou d?absence dans les duels, Benali est un véritable maestro dans l?élaboration des phases offensives. Son expérience, son intelligence et sa clairvoyance (rares sont les joueurs qui jouent la tête et le buste hauts sans regarder le ballon) ont souvent fait la différence. Sans oublier son point fort qui, au contraire, avec le temps devient plus meurtrier : le coup franc. A 35 ans, Benali aurait bien voulu pousser la chansonnette du plaisir un peu plus loin, car il en a toujours les moyens et l?envie. Quant au poste de manager (si ce n?est pas une voie de garage vu la manière de gérer de nos clubs, notamment celle du Mouloudia) que lui proposent les dirigeants, il aura tout le temps de l?embrasser et dans les règles de l?art, comme le font tous les grands joueurs à travers le monde. Mais gare aux erreurs et au Mouloudia on en est devenu spécialiste depuis quelques années. Nul ne peut être indispensable éternellement dans une équipe certes, mais remplacer un artiste et un meneur comme Benali n?est pas une mince affaire. Cela se prépare bien à l?avance. A moins qu?au Mouloudia on veuille bien achever les chevaux, surtout les pur-sang rares et chers.