Résumé de la 24e partie n Sindbad est au désespoir. Sa femme vient de mourir et il devrait, selon la coutume, être enterré avec elle. «Jugez de ma douleur ! poursuivit Sindbad. Etre enterré tout vif ne me paraissait pas une fin moins déplorable que celle d'être dévoré par des anthropophages. Il fallait pourtant en passer par là. Le roi, accompagné de toute sa cour, voulut honorer de sa présence le convoi, et les personnes les plus considérables de la ville me firent aussi l'honneur d'assister à mon enterrement. «Lorsque tout fut prêt pour la cérémonie, on posa le corps de ma femme dans une bière avec tous ses joyaux et ses magnifiques habits. On commença la marche. Comme second acteur de cette pitoyable tragédie, je suivais immédiatement la bière de ma femme, les yeux baignés de larmes et déplorant mon malheureux destin. Avant d'arriver à la montagne, je voulus faire une tentative sur l'esprit des spectateurs. Je m'adressai au roi premièrement, ensuite à tous ceux qui se trouvaient autour de moi et, m'inclinant devant eux jusqu'à terre pour baiser le bord de leur habit, je les suppliais d'avoir de la compassion de moi : "Considérez, disais-je, que je suis un étranger qui ne doit pas être soumis à une loi si rigoureuse, et que j'ai une autre femme et des enfants dans mon pays." J'eus beau prononcer ces paroles d'un air touchant, personne n'en fut attendri ; au contraire, on se hâta de descendre le corps de ma femme dans le puits, et l'on m'y descendit un moment après dans une autre bière découverte, avec un vase rempli d'eau et sept pains. Enfin cette cérémonie si funeste pour moi étant achevée, on remit la pierre sur l'ouverture du puits, nonobstant l'excès de ma douleur et mes cris pitoyables. «A mesure que j'approchais du fond, je découvrais, à la faveur du peu de lumière qui venait d'en haut, la disposition de ce lieu souterrain. C'était une grotte fort vaste et qui pouvait bien avoir cinquante coudées de profondeur. Je sentis bientôt une puanteur insupportable, qui sortait d'une infinité de cadavres que je voyais à droite et à gauche ; je crus même entendre quelques-uns des derniers ? qu'on y avait descendus vifs ? pousser leurs derniers soupirs. Néanmoins, lorsque je fus en bas, je sortis promptement de la bière et m'éloignai des cadavres en me bouchant le nez. Je me jetai par terre, où je demeurai longtemps plongé dans les pleurs. Alors faisant réflexion sur mon triste sort : "Il est vrai, disais-je, que Dieu dispose de nous selon les décrets de Sa Providence ; mais, pauvre Sindbad, n'est-ce pas par ta faute que tu te vois réduit à mourir d'une mort si étrange ? Plût à Dieu que tu eusses péri dans quelqu'un des naufrages dont tu es échappé ! tu n'aurais point à mourir d'un trépas si lent et si terrible en toutes ses circonstances. Mais tu te l'es attiré par ta maudite avarice. Ah ! malheureux, ne devais-tu pas plutôt demeurer chez toi, et jouir tranquillement du fruit de tes travaux !"» (à suivre...)