Résumé de la 29e partie n Parvenant à éviter de périr comme beaucoup de ses compagnons engloutis par les flots, Sindbad arriva dans une île magnifique pleine de fruits délicieux et d'eau douce et claire. Sindbad poursuivit : «La nuit venue, je me couchai sur l'herbe dans un endroit assez commode ; mais je ne dormis pas une heure entière et mon sommeil fut souvent interrompu par la frayeur de me voir seul dans un lieu si désert. Ainsi, j'employai la meilleure partie de la nuit à me chagriner et à me reprocher l'imprudence que j'avais eue de n'être pas demeuré chez moi plutôt que d'avoir entrepris ce dernier voyage. Ces réflexions me menèrent si loin que je commençai à former un dessein contre ma propre vie ; mais le jour, par sa lumière, dissipa mon désespoir. Je me levai et marchai entre les arbres, non sans quelque appréhension. «Lorsque je fus un peu avant dans l'île, j'aperçus un vieillard qui me parut fort cassé. Il était assis sur le bord d'un ruisseau. Je m'imaginai d'abord que c'était quelqu'un qui avait fait naufrage comme moi. Je m'approchai de lui, je le saluai et il me fit seulement une inclination de tête. Je lui demandai ce qu'il faisait là ; mais, au lieu de me répondre, il me fit signe de le charger sur mes épaules et de le passer au-delà du ruisseau, en me faisant comprendre que c'était pour aller cueillir des fruits. Je crus qu'il avait besoin que je lui rendisse ce service : c'est pourquoi, l'ayant chargé sur mon dos, je passai le ruisseau. "Descendez", lui dis-je alors en me baissant pour faciliter sa descente. Mais, au lieu de se laisser aller à terre (j'en ris encore toutes les fois que j'y pense), ce vieillard, qui m'avait paru décrépit, passa légèrement autour de mon cou ses deux jambes, dont je vis que la peau ressemblait à celle d'une vache et se mit à califourchon sur mes épaules en me serrant si fortement la gorge qu'il semblait vouloir m'étrangler. La frayeur me saisit en ce moment et je tombai évanoui. «Nonobstant mon évanouissement, l'incommode vieillard demeura toujours attaché à mon cou ; il écarta seulement un peu les jambes pour me donner lieu de revenir à moi. Lorsque j'eus repris mes esprits, il m'appuya fortement contre l'estomac un de ses pieds et, de l'autre me frappant rudement le côté, il m'obligea de me relever malgré moi. Etant debout, il me fit marcher sous des arbres ; il me forçait de m'arrêter pour cueillir et manger les fruits que nous rencontrions. Il ne quittait point prise pendant le jour, et quand je voulais me reposer la nuit, il s'étendait par terre avec moi, toujours attaché à mon cou. Tous les matins, il ne manquait pas de me pousser pour m'éveiller ; ensuite il me faisait lever et marcher en me pressant de ses pieds. Représentez - vous, messeigneurs, la peine que j'avais de me voir chargé de ce fardeau sans pouvoir m'en défaire?» (à suivre...)