La croissance du marché de l?automobile et son évolution ne sont pas sans provoquer des changements importants à la faveur des nouveaux positionnements de Toyota et Hyundai en tête des ventes. Ces deux marques défient les françaises Peugeot et Renault ? cette dernière ayant lancé Dacia avec le succès que l?on connaît. C?est dans ces circonstances que nous avons rencontré Michel Tranche, directeur général de Renault Algérie, qui, en bon observateur et acteur privilégié du marché, nous en parle sans fioriture. InfoSoir : Pendant que beaucoup peinent à construire un réseau efficace, vous, Renault Algérie, vous avez pu, en peu de temps, le constituer. Aujourd?hui, peut-on dire qu?il est l?une de vos grandes satisfactions ? Michel Tranche ll Votre question tombe à point nommé puisque, ces derniers jours, je les ai passés à visiter le réseau. J?ai visité quinze agents et ce, dans le cadre de notre travail d?évaluation, que nous effectuons chaque année. A ce titre, et après avoir vu les différentes installations de l?agent, nous programmons une réunion au cours de laquelle nous disséquerons tous les aspects de son activité : comment fonctionne-t-il ? Comment se positionne-t-il dans sa région vis-à-vis du marché et de la concurrence ? Comment vit-il notre organisation ? Et comment est-il perçu par les clients ?...Ce sont entre autres quelques points que nous analysons afin d?avoir une image précise de son évolution. Il y a donc un vrai travail en profondeur que nous avons effectué depuis le début. Aujourd?hui, je peux avancer que nos agents se professionnalisent de plus en plus et certains d?entre eux sont même en avance sur nous. Contrairement aux idées reçues, plusieurs de nos agents font de la qualité leur priorité, plus que je n?avais tendance à le croire et les enquêtes que nous menons depuis maintenant deux ans auprès des clients le révèlent sans équivoque. Comment se fait-il que vos agents s?investissent sérieusement ? Qu?est-ce qui fait qu?ils se distinguent de ceux des autres marques ? ll La première contrainte à laquelle nous avons fait face est celle de trouver de véritables partenaires qui nous représenteraient dans les régions. C?était une des conditions de l?actionnaire qui nous a bien expliqué que les investissements seraient limités. Seconde préoccupation, il fallait raisonner sur le long terme, contrairement à d?autres importateurs qui n?avaient pas cette vision. A partir de là, nous avons, dès le départ, limité nos ventes à 20% du volume global de la marque pour permettre au réseau de commercialiser 80%. Cela a permis d? instaurer rapidement une confiance entre nous et les agents. Cette confiance que conditionnait une transparence totale de notre fonctionnement, nous a permis de progresser régulièrement, année après année, en part de marché, même si je me dois de préciser que la course au podium, n?a jamais été notre première motivation. En fait, le réseau a compris que notre stratégie n?est pas d?être en concurrence avec lui, car il sait que parallèlement nous avons un niveau d?exigence qualité assez fort. Passons, si vous le voulez bien, à l?évolution du marché pour observer le recul des marques françaises. Qu?en pensez-vous ? ll On estime le marché de cette année à 150 000 véhicules, ce qui veut dire une évolution positive de 45% par rapport à 2004, donc une très forte poussée et une progression fulgurante. Cela s?explique par une santé macroéconomique plus évidente, et la période actuelle s?inscrit en opposition à celle des années 90 caractérisées par un sevrage fort en consommation automobile. Pour rappel au début des années 90, 45 000 véhicules rentraient chaque année. Ce qui représente1/5 du volume actuel. Nous sommes donc dans une période de croissance exceptionnelle, sans perdre de vue que la Cnep a arrêté son opération de crédit sachant que c?est cet organisme qui réalisait la majorité des financements des particuliers. Pour revenir au recul des marques françaises, je constate que Renault est le plus pénalisé par l?arrêt de la Cnep puisque c?est nous qui avons réalisé le plus de vente à crédit, en second lieu je citerai le démarrage de l?année qui s?est fait dans des conditions de change défavorables, l?euro étant pendant longtemps à des niveaux élevés. Le troisième point, qui a contribué au ralentissement de nos ventes, est, sans conteste, l?annonce de l?arrêt des importations de véhicules d?occasion. Je constate, à travers les chiffres à ma disposition, que ces importations de véhicules d?occasion (-3 ans) ont sensiblement augmenté depuis que tout le monde sait qu?elles seront proscrites dès le 25 septembre prochain, même si, par ailleurs, c?est Renault qui est la marque dominante dans ce cadre-là, à hauteur de 47%, ce qui nous permet de revendiquer le titre de marque la plus importée depuis au moins 20 ans. Par ailleurs, je n?omettrai pas de préciser que le client étant souverain, il tend à commettre le plus malheureux des choix puisque ces véhicules d?occasion reviennent plus chers et ne sont pas munis des protections que ceux que nous commercialisons. Je crois que l?Algérien reste convaincu que le véhicule venant de France est mieux que celui que nous lui proposons ici, c?est une erreur d?appréciation qui se paie cher. Nous vivons une période charnière, je reste confiant pour ce qui reste de cette année, je pense que notre offre est riche et dispose d?un bon positionnement prix, cela va nous permettre de retrouver de meilleurs volumes. Je constate néanmoins qu?à juillet 2004, 12 100 Renault ont été vendues, cette année vous n?êtes qu?à un peu plus de 10 000 ? ll Je pense que les clients Renault préfèrent aller acheter en France des véhicules d?occasion. Nous sommes donc la marque la plus pénalisée par ces importations des particuliers. Tout cela va se décanter d?ici quelque temps. Je ne m?inquiète pas outre mesure car j?estime que sur le global (neuf + l?occasion), Renault est, de loin, la marque la plus importante du marché. Ne pensez-vous pas que depuis la préparation du lancement de Logan, vous avez quelque peu négligé Renault et que cela a contribué à son recul ? ll C?est un énorme problème de marketing. Effectivement, l?arrivée de Logan nous a certainement pris de notre temps, mais ce que j?observe aujourd?hui c?est que nous avons quelques difficultés à positionner, dans ce segment de clientèle, Clio classic, Solenza et Logan. Ce que nous observons actuellement c?est que dès que nous avons repositionné Clio classic, elle a repris son envolée. En plus et en toute humilité, je dirai que nous nous sommes trompés sur la version de Logan. Les clients de Logan se positionnent sur les versions les mieux équipées. Cela nous ne l?avons pas vu venir de manière claire. Nous sommes donc en train de réajuster notre offre. Etes-vous satisfait du début de carrière de Logan ? ll Cela ne fait que deux mois que nous commercialisons ce modèle, nous avons affiché nos prévisions qui sont de 5% de part de marché. Le premier mois (juin), nous avons réalisé 4.9% alors que sur le second (juillet), nous avons atteint les 4.1%. Ces deux valeurs ont été réalisées alors que nous n?avons pas encore un réseau Dacia aux normes. En outre, nous avons subi deux phénomènes : le premier, c?est la rupture du stock de la version E2 qui est la version la plus demandée. Le second, c?est le repositionnement de Solenza et Clio classic qui sont venus prendre des clients à Logan. Je reste donc convaincu que Logan est bien capable de réaliser ses objectifs, d?ailleurs, je pense qu?il faudra confier la communication de Dacia à une autre agence pour plus d?autonomie. Parlez-nous un peu de Samsung... ll Sincèrement, nous n?avons pas mis tous les moyens qu?il fallait pour que cette marque se développe. D?abord, nous ne l?avons pas exposée chez tous les agents du réseau, seul une dizaine dispose de modèles Samsung. Maintenant, si je raisonne en groupe, l?idéal serait d?avoir Samsung aux cotés de Nissan, or, nous ne distribuons pas Nissan, c?est d?ailleurs notre particularité puisque dans tous les autres pays, Renault et Nissan sont distribués et gérés par une seule entité. Samsung trouve quand même, en moyenne, une quinzaine de clients par mois, ce qui n?est pas mal ! Que pensez-vous de la réflexion concernant un cahier des charges qui définirait les critères de la distribution automobile ? ll Je pense que c?est une bonne réflexion qui permettrait, si elle venait à se concrétiser, de rehausser le niveau de notre activité. Nous, concessionnaires, devrons pouvoir nous réunir pour en discuter et réfléchir au contenu de ce cahier des charges. Il est primordial que nous sachions son contenu et quelles seront nos obligations ? En tout cas, je pense que tous les professionnels ne pourront que se réjouir devant de telles dispositions. Mais il y a une autre préoccupation qui m?interpelle, c?est celle relative aux normes d?homologation de véhicules qui manquent de précisions. Là, il y a une réflexion en profondeur à faire sur le contenu de la législation et sur les modalités de son application. Les critères d?homologation doivent être à l?avantage des clients et il faut qu?ils puissent être appliqués rigoureusement pour que l?accès au marché algérien se fasse dans l?équité et la clarté. Avez-vous prévu le lancement de nouveaux modèles dans les prochains mois ? ll Oui nous avons prévu l?introduction du nouveau Trafic, de Modus, de la Logan DCI et de la Laguna phase 2. Comme vous le voyez, nous avons plusieurs événements et cela va dans la continuité de notre tradition qui consiste à toujours enrichir notre offre et à la renouveler.