Souci n Le mal de vivre le ronge à tout instant. Son quotidien se caractérise par la précarité et le désarroi. La survie même de sa famille est menacée. «Il m?arrive des fois de me retrouver sans le sou. Croyez-moi, j'appréhende de rentrer à la maison, devenue une sorte de tombe à mes yeux. Que pourrais-je ramener à mes enfants ? Que dirais-je à mon épouse à propos du pain et du lait ?? En un seul mot, ma vie n?est qu?une série de cauchemars. La question de mes enfants : papa, pourquoi ces derniers temps tu dors jusqu?à 9 h alors que tu sortais à 6 h il y a quelques mois ? m?agresse et me blesse énormément. Comment pourrais-je leur expliquer ? ?» Mouloud se pose des centaines de questions sans trouver de réponses. Il est conscient que cela ne mènera nulle part, mais l?espoir ne l?a jamais quitté. «Je ne meurs pas de faim, mais je ne vis pas réellement. A plusieurs reprises, je sors de chez moi sans le moindre sou, je me débrouille pour arracher mon pain pour la journée, et demain , il fera jour, dit le proverbe. Je sillonne la ville, demandant s?il y a une machine à réparer, et j?arrive tant bien que mal à m?accrocher au moindre espoir de survie. Ce qui me fait mal le plus est mon incapacité à mettre en ?uvre un rêve qui remonte à plusieurs années à cause de ma pauvreté et du manque d?appui des institutions publiques.» La rentrée scolaire était une rude épreuve pour Mouloud, qui n?a pas pu acheter de nouveaux habits à ses enfants. «Je me dirigeais vers les friperies, car les nouveaux vêtements sont très coûteux. Allah ghaleb, j?aurais souhaité que mes enfants portent les meilleurs vêtements cependant, la misère a dicté ses lois autrement. Pour les articles scolaires, j?étais dans l?obligation d'emprunter de l?argent auprès des bienfaiteurs?» Le technicien-chômeur perçoit l?arrivée du mois sacré du ramadan tel un monstre. «Les dépenses du ramadan !? Chaque épreuve vient crever mes poches déjà vides ! Je n?ai pas cessé de penser à ce sujet depuis la rentrée scolaire, c?est un clou planté dans mon dos et mes faibles épaules ploient davantage? Ma dignité en tant que citoyen est profondément éprouvée. Et pourtant, je peux transmettre beaucoup de connaissances à cette jeune génération, gagner ma vie et faire travailler au moins cinq jeunes chômeurs? Si je suis aujourd?hui dans ces conditions humiliantes, c?est, tout simplement, en raison de ma confiance aveugle au dispositif annoncé en vue d?apaiser les souffrances de mes semblables? Si les responsables veulent un jour aider un chômeur, ils devront avant tout le définir. Celui qui possède une somme de vingt millions ne fait pas partie des vrais chômeurs, car avec cette somme il pourrait lancer un petit projet?».