Adieux n Hier, il n?y a pas eu de leçon de piano à Saint Eugène. Le professeur, fatigué, las, dévoré par la maladie, a fermé définitivement le répertoire. Mustapha Skandrani, celui qui aurait pu devenir avant-centre du Mouloudia dans les années 1940 s?il n?avait pas croisé par hasard un «Andalou» nommé Mohamed Bentefahi, a été emmené hier à sa dernière demeure, au cimetière Sidi M?hamed, par une immense foule. L?enterrement, par un ramadan de piété comme il en a souvent connu de son vivant, fut un récital. «C?était un maître», témoignait Abdelkader Chaou. «Un gentleman», se rappelait Lamari. Mais avant tout, «il a été un père qui nous enseignait chaque jour la vertu», affirmait son fils aîné qui laissait ruisseler des larmes sur la tombe de son père. Le silence de cimetière murmurait aux oreilles de mélomanes, nombreux à être présents à l?ultime partition du maître, une mélodie de religion qui, en pareille circonstance, refusait le moindre chuchotement. Hier, le maestro, drapé dans son beau linceul immaculé, a invité les Saïd Hilmi, Lamari, Smaïl Khabatou, Chaou, Chaouli, HHC et autres Son Excellence l?ambassadeur du Canada à une ultime rencontre. La dernière note parfaite d?une vie jalonnée de grandeur, réservée exclusivement à une magie appelée piano. Ce piano, préféré à la mandoline et au violon, a vu Mustapha Skandrani emmener dans ses airs féeriques des récitals mémorables travaillés avec des doigts habiles pour donner une fresque idyllique. Un peu de Anka, un peu de M?rizek, un peu de Guerrouabi, un peu de Dahmane El-Harrachi? on aurait dit que pour chanter, il fallait partir chercher à chaque fois la clé du solfège chez Skandrani, ce virtuose toujours humble et qui préparait, dans l?humilité, le lit de la célébrité aux autres. L?homme répondait présent à toutes les sollicitations, les doigts battant la mesure de la belle musique de son Cherchell natal ou de sa Casbah où il est né, un glacial 20e jour de novembre, cajolé dans un berceau nommé chaâbi qui a vu naître les Kechkoul, Sadek Béjaoui, ses amis d?enfance avec des premiers balbutiements dans la troupe Al Moussilia. Il n?avait pas encore 20 ans, mais Skandrani devient vite «Si Mustapha». Il créera son propre label en 1937 et devient instrumentiste et compositeur attitré. Hachemi Guerrouabi, alors solide et bien campé sur ses 20 ans, Fadhela Dziria, Reinette l?Oranaise gagneront la notoriété en assimilant parfaitement la leçon de piano. Une leçon donnée dans une discrétion coutumière à celui qui, par ses intonations, nous a fait tant aimé Ya Ochak Ezzine, Mir Elghram, Ammerssouli pourtant chantés par d?autres.