Vivien Alloway est affairée dans sa cuisine, ce 12 avril 1965. Elle est en train de préparer un bon petit dîner pour elle-même et son mari Franck. Contrairement à beaucoup d'Américaines, Vivien Alloway ne se contente pas de plats tout faits et de boîtes à ouvrir. Elle aime bien cuisiner et elle aime faire plaisir à Franck, qui est gourmand. Vivien Alloway chantonne. Elle a tout pour être heureuse. Elle a vingt-quatre ans ; elle est mariée depuis deux ans avec Franck, un de ses camarades de classe, qui exerce à présent le métier d'agent d'assurances. Franck gagne bien sa vie, ce qui permet à Vivien de ne pas travailler et ils se sont installés depuis peu dans un bel appartement de la périphérie de Chicago. Vivien Alloway est en outre ravissante. Elle est du genre poupée ou femme-enfant, avec ses joues roses et ses cheveux blonds sagement coiffés à la manière des collégiennes. Vivien Alloway pousse brusquement un cri strident. «Franck ! Franck ! Au secours !» D?un bond, elle a sauté sur une chaise. Elle est blême, en proie à une terreur indicible. L'horreur se lit sur chacun de ses traits. Elle répète d'une voix étranglée : «Franck, au secours !» Franck Alloway, qui était en train de lire dans le living, se précipite. C'est un grand gaillard longiligne, aussi brun que sa femme est blonde. Il a l'air affolé. «Que se passe-t-il ?» Vivien désigne quelque chose sur le carrelage. «Là ! Devant toi...» Franck Alloway baisse les yeux et finit par voir la raison de la terreur de sa femme : une petite, une minuscule souris qui trottine sur le carrelage. Il éclate de rire : «Ce n'était que cela ! ? Je t'en prie, Franck, fais quelque chose. ? Mais bien sûr, je vais faire quelque chose...» Franck Alloway se baisse, ramasse la souris. Puis il la prend par la queue et s'approche de Vivien, qui crie. «Oh, arrête ! Je t?en supplie !» Mais Franck ne l'écoute pas, riant de plus belle. Il s'approche encore d'elle, balançant la souris à quelques centimètres de son visage. C'en est trop pour Vivien Alloway, qui s'évanouit... Lorsqu?elle reprend conscience, elle est assise sur le carrelage. Franck la regarde, riant toujours. «Franck, pourquoi as-tu fait cela ? J'ai eu si peur. ? Je n'ai pas pu m'en empêcher. C'était trop drôle ! ? Et la souris ? ? J'en ai fait de la chair à pâté. Je l'ai écrasée d'un coup de talon.» Vivien Alloway reprend peu à peu ses esprits... Franck est secoué de temps en temps d'un hoquet nerveux. L'espace d'un instant, elle a une pensée fugitive et désagréable : mon mari est fou... Mas Franck retrouve presque aussitôt son calme habituel et Vivien décide de ne plus penser à ce pénible événement. 18 avril 1966. Un an a passé depuis l'incident de la souris, que Vivien a tout à fait oublié. Il faut dire qu'elle a d'autres sujets de préoccupation. La santé de Franck ne cesse de s'aggraver. Il est difficile de préciser de quelle maladie il souffre. Il est sombre, nerveux, irritable. Vivien Alloway lui répète d'aller voir un médecin, mais il refuse, affirmant qu'il n'est pas malade, mais simplement un peu surmené. Il y a un autre phénomène qui inquiète Vivien Alloway : depuis quelque temps, son mari a tendance à devenir jaloux. Pourtant, elle est loin d'imaginer ce qui va se passer... Franck Alloway rentre du travail, l'air surexcité. Sans même dire bonjour à sa femme, il se met à inspecter l'appartement. Il ouvre les placards, les tiroirs, écarte les rideaux, examine les meubles. Vivien le suit sans comprendre. «Qu'est-ce que tu cherches ?» Pas de réponse... Elle tente de plaisanter : «Il n'y a pas d'amant caché ici, je t'assure.» (à suivre...)