Brouhaha n Les sons se perdent entre les murs. Et c'est à peine si on perçoit quelques bribes de phrases. On n?entend que des éclats bizarres, de sons qui s?enfoncent dans qahouet Tlemçani, l?ancien «Triq Bab El-Dzira», un vieil estaminet qui s?enorgueillit de n?avoir jamais perdu sa clientèle. Ce café, né dans les années 1920 avec la brise matinale de la Marine, n'est guère fréquenté que par des habitués. Dans les parties de cartes, les vieilles ruses n?ont pas disparu, même durant les pieuses veillées du ramadan. Il y a toujours un souffleur qui entrebalance le regard, empoisonnant une ambiance déjà tendue. Nous en sommes déjà à la troisième tournée. Dans une autre table, trois jeunes décident de se bagarrer. Normal puisqu?ils n?avaient jamais su comment transcender leurs différends. Deux sont Mouloudéens, le troisième est Nahdiste. Entre les trois, des opinions différentes et un pyromane nommé «Chitane», ce diable qui fait pourtant croire aux gens qu?il n?existe pas. Grand dommage, car on espérait tant écouter jusqu?à la fin le tintement des pièces de dominos d?un quatuor noyé dans une partie pleine de suspense et ces beaux décibels de tarawih qui viennent directement du légendaire djamaâ Lekbir. Qahouet Tlemçani est un monde plein de vie. Un vieux, dans un bleu Shangai des temps de jadis, s?attable, mais ne laisse personne d?autre s?approcher de sa table. Il est sorti tôt de la maison pour se réserver une table en attendant l?arrivée de ses trois compères pour une interminable partie de cartes agrémentée d?une autre interminable tournée de thé au qelb ellouz. Dans la banlieue, plus précisément au café dit 45 de Kouba, un café de tradition très connu ici, l?ambiance est fortement dosée. Le patron gesticule dans tous les sens. Il sermonne ses trois garçons, car il faudra redoubler d?efforts pour être au service de la clientèle. Des vieux et des jeunes se côtoient allègrement et des sons résonnent çà et là. On discute dans la sérénité, dans la tranquillité mais le volume déborde souvent. Dans un décor tout blanc, angulaire, mi-traditionnel mi-moderne, la maison nous en met plein la vue. Dans le comptoir, on joue au coude-à-coude alors que les tables sont toutes occupées. C?est un peu dommage d?arriver en retard et siroter un café en une ou deux gorgées pour éviter la bousculade de l?intérieur. Quant à l?extérieur, il est strictement interdit d?y prendre le verre, car les bons ont toujours tendance à payer pour les mauvais. En effet, le patron n?aime pas envoyer ses garçons chercher les verres vides laissés à des centaines de mètres par quelques clients indélicats. Alors, pour ne pas être sermonné, on se contente d?un gobelet, quitte à faire perdre au café toute sa saveur. Ici, on a l?impression que le tout-Kouba est là. La fumée est un gros nuage qui fait suffoquer les allergiques. Et l?ambiance ramadanesque fortement polluée dure jusqu?à une heure du matin. Le patron va dormir. Il ferme boutique.