Evocation n «L?autre Camus» est le thème d?un colloque qui se tient à Paris et qui s?efforce de montrer le paradoxe de la position de l'écrivain par rapport au colonialisme français en Algérie. Organisée par l?Association de culture berbère, cette rencontre a regroupé des historiens, des universitaires et des écrivains. Henri Alleg, journaliste, écrivain et militant anticolonialiste, a mis en exergue cette position ambiguë d?Albert Camus en remontant à l?époque où ce dernier était responsable du quotidien Algérie Républicain dans les années trente. «L?Algérie Républicain d?Albert Camus se manifestait comme un journal certes ??démocratique?? et ??républicain??, mais le mot anticolonialisme n?existait pas dans son vocabulaire», a-t-il indiqué. Rappelant le reportage de Camus sur Tizi Ouzou, publié en 1939, il a estimé que le journaliste Camus a découvert la situation réelle dans la région, soit la misère de la population locale, «mais il ne s?indigne pas contre le colonialisme». A travers ses écrits journalistiques notamment, l?intervenant a estimé que la position de l?écrivain «est flottante» car «il ne déclare pas que c?était le régime colonial qui est responsable» de la situation d'extrême misère dans laquelle est confiné le peuple algérien. De son côté,l?enseignant universitaire, Hacène Hirèche, a évoqué cette position en analysant le reportage «La misère en Kabylie» du journaliste Camus publié en 1939 après un séjour dans la région. Essayant de reconstituer l'émotion de Camus à l'écriture de ce reportage, il a relevé la «froideur» de l'auteur de l'Etranger. «Il avait l'attitude d?un observateur ??froid??, qui ne laisse pas transparaître ses sentiments», a souligné M. Hirèche, en relevant que cette position est une «déresponsabilisation du système colonial» vis-à-vis de la misère de la population locale. Mme Denis Brahimi, universitaire, essayiste, a parlé de l?humanisme de Camus en évoquant le passage de l?écrivain d?un «humanisme méditerranéen à un humanisme européen». Elle a souligné que l?écrivain «était allergique au nationalisme étroit lié au passé de l?Europe», ajoutant que cette rupture de Camus avec «son univers méditerranéen a eu lieu en mars 1945». L?écrivain et psychanalyste Nabil Farès a évoqué un Camus beaucoup plus homme de lettres, en estimant qu?«entre littérature et politique, il y a une éthique de l?acte et de l?humain». Quant à Christiane Chaulet Achour, professeur de littérature comparée, elle a établi un parallèle entre l?humanisme de Camus, celui de Roblès et de Jean Sénac.