Emblème n Réputé porteur de pouvoirs magiques et vénéré comme une relique, le rencong est un symbole d'Aceh (Indonésie). L'arme blanche était portée fièrement par les Acehnais, glissée dans leur sarong. Elle a été utilisée dans les combats contre les royaumes bataks de l'île de Sumatra, dont Aceh occupe la pointe nord. Elle a servi à repousser les colons portugais et hollandais et a encore servi dans la récente lutte d'émancipation contre le pouvoir central de Jakarta. Les plus vieux exemplaires de rencong remontent au XVIIe siècle. Le musée militaire de Prague en possède une riche collection. Des habitants sont persuadés que les rencong existaient déjà sous le premier sultanat islamique, au XIIIe siècle. «Dans les temps anciens, beaucoup attribuaient des pouvoirs magiques à certains rencong. Parfois, pour souligner ces pouvoirs, le propriétaire faisait graver des incantations ou des versets religieux sur la lame», explique Nurdin Abdul Rahman, qui dirige le musée d'Aceh. Si le rencong a quelque peu perdu sa magie, il reste un joyau recherché. «Plus personne ne songe à l'utiliser comme une arme», poursuit M. Rahman. «Le rencong a survécu, non pas comme une arme de guerre, mais comme un symbole d'Aceh.» La province est connue comme étant la terre des rencong. De vieux daguerréotypes hollandais représentent des guerriers acehnais, vêtus de noir, brandissant un rencong. La lame, légère et fine, se dissimule facilement dans le pli d'un vêtement. Un peu incurvée, elle est aiguisée d'un seul côté. Le manche à angle droit permet à l'assaillant d'effectuer une torsion après avoir frappé son adversaire. Zuhri Hasyim, qui habite le village de Bait Mesjid au sud-est de Banda Aceh, a commencé à l'âge de 18 ans à fabriquer des rencong, selon un savoir-faire transmis par son oncle. Il façonne les lames avec de l'acier récupéré et taille les manches et les étuis dans de la corne, du bois ou de l'ivoire. Le poignard reste toujours arboré dans les cérémonies traditionnelles et est un souvenir apprécié pour les visiteurs de passage à Aceh. Créer un rencong à l'ancienne est un processus nettement plus compliqué que la méthode actuelle. Les différents métaux nécessaires doivent être battus au marteau au moins 49 fois avant d'être forgés, selon M. Hasyim : «Je peux facilement forger quatre lames moyennes par jour, mais une lame à l'ancienne me prendrait plus d'un mois.»