En dépit d'une mobilisation quasi générale, l'acheminement de l'aide aux sinistrés demeure difficile en raison des problèmes logistiques sur le terrain. La mobilisation internationale exceptionnelle a permis de recueillir 2 milliards de dollars de promesses d'aide publique, mais les énormes difficultés logistiques et l'ampleur des destructions ajoutaient à la complexité de l'opération humanitaire, en Indonésie notamment, pays le plus touché avec 94 000 morts dans le nord de l'île de Sumatra. La diplomatie au secours des sinistrés L'activité diplomatique emboîtera le pas cette semaine aux opérations de terrain, avec l'arrivée, hier en Thaïlande, du secrétaire d'Etat américain Colin Powell, pour une tournée dans les pays asiatiques, une région d'importance géostratégique pour Washington. Jeudi à Jakarta, un sommet international débattra sur les conséquences de la catastrophe, avec notamment le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan. Sur l'île indonésienne de Sumatra, en particulier dans la province d'Aceh, l'opération humanitaire prenait de l'ampleur hier, et le recensement des victimes se poursuivait sur les kilomètres de rivage où des pans entiers du littoral ont été engloutis, rendant certaines régions inaccessibles. C'est en Indonésie que l'aide est la plus difficile à organiser, malgré le travail de plus de cinquante ONG médicales internationales et le renfort croissant des Nations unies. “Nous pouvons accéder à tous les pays touchés sauf Sumatra et Aceh en ce moment. C'est là que nous sommes en retard”, a expliqué le coordonnateur de l'aide d'urgence de l'ONU, Jan Egeland. “90% de nos problèmes sont dans ces régions parce que ce sont les plus reculées, où les dommages ont été les plus importants, où les routes sont les plus endommagées, les pistes d'atterrissage moins nombreuses et abîmées”, a-t-il ajouté. Les survivants livrés à eux-mêmes Plus de 270 000 survivants s'entassaient hier dans les camps d'urgence, selon le ministère de la Santé indonésien, dans des conditions de précarité faisant redouter des épidémies. “Il n'y a pas de sanitaires, pas de toilettes, pas de ramassage des ordures”, soulignait Sasilia Daniel, médecin indonésien qui assiste 3 000 réfugiés à Banda Aceh, la capitale provinciale. Dans l'ouest de la province d'Aceh, nombre de survivants attendaient encore une première aide. Fajari, un rescapé de 29 ans, racontait ainsi qu'il n'avait vu arriver qu'au bout d'une semaine les premiers secours dans son petit village, et que de nombreux autres attendent toujours. “Il y a encore beaucoup de gens là-bas. Certains sont sérieusement blessés, d'autres sont déjà morts”, disait-il, hospitalisé après avoir été récupéré par un hélicoptère américain. Le porte-avions américain Abraham Lincoln était positionné au large de Sumatra, et ses hélicoptères effectuaient des rotations avec les régions isolées. D'autres pays et l'armée indonésienne renforcent chaque jour ce gigantesque pont aérien. Le premier vol vers Aceh, organisé par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), a décollé dimanche du Danemark, premier de cinq avions qui vont transporter au total 400 tonnes de matériel. Le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a annoncé, hier, que plusieurs pays asiatiques ont commencé à travailler sur la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis, inexistant pour l'océan Indien. En Thaïlande, le bilan des morts a atteint 5 046 tués, dont près de la moitié de touristes étrangers. Les raz-de-marée sur six provinces touristiques du sud du royaume ont balayé villages de pêcheurs et établissements hôteliers, notamment à Phuket et Phang Nga, hauts lieux du tourisme international. Des rescapés thaïlandais se plaignaient hier de voir les secours se concentrer sur les zones touristiques, et atteindre en priorité les étrangers. Priorité À la recherche des touristes ? Une armée de secouristes, soldats et volontaires, par exemple, passait au peigne fin les ruines des zones touristiques à Khao Lak, dans la province de Phang Nga, où des milliers de touristes ont été tués. Mais dans le village musulman de Mai Lai, moins de 30 kilomètres au sud, les efforts des secouristes étaient nettement moins visibles. “Nous avons désespérément besoin de plus d'argent”, déclarait Wantana Phongsangwan, l'un des coordinateurs de l'aide locale. “Ce que nous avons aujourd'hui nous a été envoyé par des gens généreux du coin, mais ça ne fait guère que environ 500 baht (10 euros) pour chaque foyer.” Les autorités concentraient hier la recherche des corps sur les zones les plus difficiles d'accès, comme les lacs du village de pêcheurs de Baan Nam Khem (sud), où des milliers de personnes sont portées disparues. On redoute l'aggravation du bilan En provenance des régions dévastées parvenaient des informations laissant penser que le bilan pourrait gravement s'alourdir, au-delà même des sombres prévisions de 7 000 à 8 000 morts avancées par le Premier ministre Thaksin Shinawatra. Isolés eux aussi, des rescapés des archipels indiens des Andaman et Nicobar, perdus en mer à 1 000 kilomètres à l'est de l'Inde continentale, n'avaient toujours pas reçu d'aide lundi. “Envoyez immédiatement des vivres à Chowra ou les gens seront affamés”, pouvait-on entendre dans un message radio-amateur envoyé par des responsables de ces îles. 818 personnes, selon un bilan officiel, sont mortes aux Andaman et Nicobar, sur 9 479 tués et 5 796 disparus en Inde, essentiellement dans l'Etat méridional du Tamil Nadu (7 814 morts). L'opération mise en place par l'armée indienne est la plus importante jamais montée en temps de paix, avec un déploiement de près de 4 000 soldats et l'envoi de navires de guerre, d'hélicoptères et d'avions pour distribuer de l'aide au Sri Lanka voisin et aux Maldives. Comme ailleurs en Asie, la crainte d'épidémies était partout présente. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) mène, notamment, une vaste campagne de vaccination contre la rougeole dans les camps du sud du pays, visant 115 000 enfants. L'aide internationale tentait aussi de parvenir jusqu'aux sinistrés du Sri Lanka, qui comptabilisait, lundi, près de 30 000 morts et 5 740 disparus, ainsi que 861 016 personnes déplacées. 42 marines américains sont arrivés lundi à Colombo, où près de 1 500 soldats américains sont attendus pour participer aux secours. R. I. A.