Choc L'assassinat d'Anna Lindh ébranle le «modèle suédois». La Suède a vécu récemment les heures les plus sombres de son histoire récente. Jeudi 11 septembre, la paisible démocratie scandinave a perdu sa ministre des Affaires étrangères, Anna Lindh, 46 ans, poignardée en plein jour au rayon féminin de NK, la Samaritaine de Stockholm. Elle n'avait pas de garde du corps. Personnage politique le plus brillant de sa génération, Anna Lindh était devenue la figure emblématique de la campagne pour le «oui à l'euro». Mais dimanche, quatre jours après le drame, ce sont ses adversaires, les partisans du «non», qui l'ont emporté en rejetant massivement, à plus de 56%, contre près de 42%, l'adoption de la monnaie unique. S'il conforte les europhobes britanniques ou danois, ce résultat est une mauvaise nouvelle pour l'Union européenne, désavouée par un pays dont les finances publiques sont plutôt bien gérées. «C'est surtout une semaine noire pour la Suède, se lamente une collaboratrice de la ministre assassinée. Tout l'optimisme d'Anna et sa conviction qu'on pouvait changer le monde par la seule force des idées, n'auront donc servi à rien...» Au QG de campagne des partisans du «non», l'atmosphère était également lourde le soir du vote. Quatre jours après la tragédie, eux aussi pleurent celle que la presse a, avec raison, qualifiée de «stor Svensk» ? une grande dame suédoise. Toute la nation (9 millions de personnes) est en deuil. Car, au-delà d'Anna Lindh, c'est le modèle suédois et un certain idéal de la vie en société que l'on a voulu tuer. A la fois mère de famille épanouie et femme d'action moderne, Anna Lindh incarnait parfaitement la réussite d'une politique qui a mis l'accent sur la parité, les droits des femmes ou les congés parentaux. Maman avant d'être ministre, la diplomate scandinave n'hésitait pas à interrompre une réunion avec des ministres européens pour prendre ses enfants au téléphone. Pratiquant l'autodérision, elle racontait qu'un jour, alors qu'elle était en conversation téléphonique avec son homologue russe, son fils de 10 ans était venu la trouver en pleurant. «Viens, mon chéri», lui chuchota-t-elle, sans interrompre sa communication. A l'autre bout du fil, l'interprète avait tout traduit... avant de réaliser sa méprise et de s'esclaffer !