Ambiance n Lieu d'hygiène et de convivialité dans la journée, les hammams se transformaient, la nuit venue, en gîtes pour voyageurs, étudiants et autres travailleurs aux revenus modestes. Dans les ruelles délabrées de la vieille ville de Constantine, des bâtisses, bien que patinées par le temps, continuent de résister stoïquement à la ruine et à la déferlante de la modernité, arborant sur leurs frontons, avec un héroïsme muet, l'inscription «hammam» et/ou «bain maure», déclinant ainsi leur identité et affirmant leur différence par rapport aux douches modernes. Ces hammams, qui portent à travers leur architecture la marque de leur épargne, sont les gardiens séculaires d'une tradition sociale qui remonte aussi loin que la période turque. Sachant que la chute d'Ahmed Bey, le dernier gouverneur turc de Constantine, remonte à plus de 170 ans, d'aucuns imaginent aisément la charge d'histoire, de mémoire et de traditions séculaires dont sont dépositaires ces lieux. Plus que des lieux de bain, les hammams ont, en effet, toujours été des espaces de rencontre et de socialisation, où se tissaient des liens multiples, s'échangeaient des informations et se concluaient des mariages et autres événements heureux. Comme pour les cafés, chaque hammam avait ses clients, ses habitués, ses fidèles qui se rencontraient pour une toilette collective qui s'accompagnait de papotages et aussi de moments de détente et de relaxation. Un peu à la manière des mosquées et bien qu'ayant un rôle différent, le hammam était un point nodal pour le quartier où il était implanté. Pour certains propriétaires de ces lieux de convivialité, le nom du propriétaire, qui identifie généralement le hammam, s'efface carrément devant le nom du quartier comme c'est le cas de hammam Souk El-Ghezal, une rue à très forte densité populaire chargée d'histoire. Aujourd'hui, une des familles qui gère ce hammam égrène avec nostalgie les souvenirs du bon vieux temps, lorsque ce lieu au charme discret abritait toutes sortes de bruits de la ville et s'en faisait l'écho. Les hammamjias, nom donné aux clients de ces structures d'hygiène collective, échangeaient, tout en se lavant et en se prélassant, toutes sortes d'informations qui, souvent, se couronnaient par des contrats commerciaux, des décisions d'ordre social et économique ou encore par des actions caritatives. Lieu d'hygiène et de convivialité dans la journée, les hammams se transformaient, la nuit venue, en gîtes pour voyageurs, étudiants et autres travailleurs aux revenus modestes. S'établissaient alors des liens entre les hôtes de ces bains maures issus de différentes classes sociales et culturelles, voire de différentes frontières géographiques. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire que les hammams ont beaucoup perdu de leur rôle social, de leurs clients et des rituels qui leur étaient propres. L'apparition des douches, plus adaptées aux besoins et au mode de vie moderne, des salles de bains à domicile et des sources thermales dans la région ont beaucoup contribué au déclin du hammam.