Des walis, des directeurs de haut rang et plusieurs autres responsables se sont approprié de vieux manuscrits de savants algériens et autres érudits étrangers pour en faire une propriété privée. Un anthropologue algérien accuse. De hauts fonctionnaires de l?Etat ont procédé, occasionnellement, au pillage de vieux manuscrits gardés dans des lieux non sûrs dans le sud du pays, pour en faire une propriété privée au mépris de la mémoire collective. «Des walis, des directeurs de haut rang et des responsables, qui travaillaient et qui travaillent encore pour le compte de l?Etat, font partie de ceux qui, malheureusement, contribuent au pillage des manuscrits non inventoriés», nous a révélé le Dr Mokhtar Hassani, président de l?Association algérienne des manuscrits (AAM), une association à caractère culturel et scientifique née en 2001. «Ces précieux manuscrits, jamais restitués et datant de plusieurs siècles, ont été pris dans la région d?Adrar et dans d?autres régions où il existe un riche patrimoine du genre dans les zaouias et khizanate (anciennes bibliothèques). Ces personnes les avaient pris pour garnir leurs maisons sans se rendre compte malheureusement qu?ils venaient de contribuer à l?émiettement d?une grande partie de l?histoire de l?Algérie», a expliqué cet universitaire qui, avec un groupe d?anthropologues algériens, met les bouchées doubles pour essayer d?inventorier et de répertorier les quelque 35 000 vieux manuscrits éparpillés çà et là, et dont une partie importante est entre les mains de particuliers qui gardent chez eux, souvent dans des conditions médiocres (humidité, moisissures?), des «bribes d?histoires et d?anecdotes» d?une importance capitale dans la reconstitution de ce que devrait être «le puzzle de l?histoire». A propos de ce pillage sciemment orchestré par les commis de l?Etat, notre interlocuteur, sans citer de noms, dira : «Ces responsables prenaient, à chaque fois que l?occasion leur était offerte, des manuscrits de savants algériens des temps immémoriaux, en profitant de la crédulité des personnes qui veillaient sur la sauvegarde du patrimoine, mais aussi en mettant en avant leur grade et leur rang». «Croyant que ces hauts responsables allaient rendre les manuscrits après consultation, l?espace d?une rencontre régionale, nationale ou même internationale, les personnes chargées de garder les manuscrits, dans les khizanate du Sud, ne se sont jamais interposées, soit par confiance mal placée ou carrément par peur d?être réprimandés, les laissant prendre ce dont ils avaient besoin, mais finalement les manuscrits n?ont jamais été rétrocédés», a ajouté notre interlocuteur qui plaide pour le renforcement du cadre juridique en matière de sauvegarde de ce précieux patrimoine en déperdition.