Constat n Le film documentaire du réalisateur Malek Bensmaïl, a été projeté, lundi, à la filmathèque Mohamed-Zinet (Riad-el-Feth). C'est un film bouleversant et d'une grande intelligence. L'action se situe à Constantine, dans un hôpital psychiatrique. Le réalisateur ne raconte pas une histoire ou retrace des faits. Sa caméra, omniprésente, suit d'une manière neutre les malades, observe leur comportement et leur prête voix. Elle les invite à se révéler, et chacun se dit et dit ce qu'il ressent, ce qu'il pense. D'une rencontre à l'autre, d'une conversation à un échange de confidences, l'on peut constater que les malades s'avèrent victimes d'une société, elle aussi, aliénée, victime des violences et des injustices d'un système politique. Le film se veut un état des lieux de la société algérienne, une enquête sur une réalité souvent voilée, négligée, restée taboue. Ainsi, et selon le réalisateur, «le film révèle peu à peu le mal profond qui ronge le pays et illustre la souffrance mentale tel le miroir d'une société avec ces incertitudes identitaires.» Et de dire aussi que «le film est une révélation sociale et politique. Finalement, ce film n'est pas une étude psychopathologique mais une évocation de la vie à travers celle de ses malades et de leur vision de la société algérienne.» Car si les internés semblent à nos yeux aliénés, il se trouve qu'en réalité ils sont lucides et conscients des réalités – politiques et sociales – de l'Algérie. Chacun analyse la situation d'une façon intelligente. Leurs propos sont déroutants, parce qu'il s'agit de propos lucides sur la situation chaotique du pays. «N'est-ce pas finalement la société, la politique algérienne, qui est folle au point de mener au suicide sa jeune génération ?», s'interroge le réalisateur. Le film pointe le doigt sur «un drame individuel d'hommes et de femmes prisonniers de leurs obsessions ; drames collectifs de personnes oppressées par une société irrespectueuse de l'individu, de ses droits comme de ses libertés, scandale de la condition féminine, scandale que l'hôpital devienne le seul lieu où il soit possible de se délivrer du poids de l'injustice», explique le réalisateur. Ainsi, il y a ce souci de montrer «le malaise social de jeunes femmes et hommes, filmer un pays qui se cherche avec ses maladies identitaires, ses crises idéologiques, la violence de l'acculturation et de la religion... Une terre en folie. C'est dans cet espace psychiatrique que l'on se dégage le mieux».